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À perte de vue, l’exposition pour « faire voir ce qu’ils ne peuvent plus voir »

Imaginer une exposition photo avec des personnes malvoyantes et de l’intelligence artificielle (IA), le pari était osé. Il a été relevé par la Fondation d’entreprise Optic 2000 – Lissac – Audio 2000, et l’association Valentin Haüy. Poétique, technique, insolite, émouvante, intelligente, cette exposition est tout ça, et bien plus encore. Découverte.

Œuvre de Reine, personne malvoyante

« La Reine » par Reine-Herminione Etalle

Ils sont retraités, étudiante, athlète paralympique, sont âgés de 22 à 85 ans, et n’ont a priori aucun point commun, si ce n’est leur malvoyance. Qu’à cela ne tienne, ces quatre personnes ont été réunies autour d’un projet artistique pas comme les autres.
« J’ai été contacté par l’agence de publicité Australie.GAD », se souvient le photographe Marc Da Cunha Lopes. « Je leur avais déjà partagé, quelques mois plus tôt, des photos que j’avais créées grâce à l’intelligence artificielle. Et ils ont pensé à moi pour ce nouveau projet. » La mission (pas du tout impossible) qu’il a acceptée : demander à des malvoyants de partager un souvenir, un rêve, qu’ils aimeraient mettre en scène, et utiliser l’intelligence artificielle afin de traduire ces mots en images. Du 6 au 8 avril, l’Atelier 13 Sévigné, au cœur de Paris, accrochait sur ses cimaises ces photographies autant inédites et inclusives qu’émouvantes et poétiques.

Des mots et des images

« J’ai rencontré les quatre participants, et tout a commencé par un entretien », se remémore Marc Da Cunha Lopes. « Chacun d’entre eux m’a raconté des souvenirs qu’il souhaitait mettre en scène. À partir de là, j’ai choisi des mots-clés -petite fille, robe rose, balançoire, tilleul, soleil, printemps…, et l’intelligence artificielle a fait le reste. Le logiciel a créé des images à partir de ces mots-clés. Les souvenirs ont pris vie. Ensuite, pour rendre chacune de ces scènes le plus réaliste possible, j’ai retravaillé la lumière, le cadrage… » Une petite fille assise sur une balançoire, un garçon rivé à son écran de télévision, captivé par les exploits de Carl Lewis… Comme par magie, les images qui n’existaient que dans la tête des personnes malvoyantes ont alors été retranscrites le plus fidèlement possible. Ces seize « clichés » sont absolument bluffants, seuls des spécialistes de la photo pouvant y déceler l’apport de l’IA. Un QR code placé sous chaque œuvre permet aux déficients visuels de la « voir » grâce à une description sonore.

Un partenariat, une évidence

40° par Jelly Lebourgeois

« 40° » par Jelly Lebourgeois

Après avoir été exposées, les œuvres ont été vendues 750 €, et les fonds récoltés ont été reversés à l’association Valentin Haüy, pour financer leurs actions auprès des personnes déficientes visuelles. Soutenir cette exposition était une évidence pour la Fondation d’entreprise Optic 2000 – Lissac – Audio 2000. La Fondation a pour vocation de soutenir et d’initier des actions solidaires afin de favoriser l’accès aux équipements optiques et auditifs en France et dans le monde et d’améliorer le quotidien des personnes malvoyantes et malentendantes. « Au-delà de l’aspect financier, ce soutien nous permet de montrer que nous sommes dans une continuité », se réjouit Sylvain Nivard, président de l’association Valentin Haüy. « D’un côté, notre association met en place des solutions pour mieux vivre avec un handicap visuel. De l’autre, les opticiens spécialisés en basse vision aident leurs patients à retrouver de l’autonomie au quotidien grâce à des aides visuelles adaptées. »

Transmettre, et se faire connaître

"Été 77" Jacques Priou

« Été 77 » par Jacques Priou

« L’objectif, c’est de sensibiliser, et de montrer que la vie ne s’arrête pas quand on est malvoyant. On peut évidemment continuer à avoir des souvenirs et des rêves », insiste Sylvain Nivard. « Sensibiliser, cela permet aussi que des personnes devenues malvoyantes avec l’âge nous connaissent, et fassent appel à nous. Prenons l’exemple d’une dame de 70 ans qui vient de se faire diagnostiquer une DMLA, ou un glaucome. Elle risque de s’isoler chez elle, de ne plus oser sortir, parce qu’elle va avoir peur de se cogner plusieurs fois, rien que pour aller chercher sa baguette. Cette dame ne sait sans doute pas qu’il existe une association comme la nôtre dans son quartier. Or, si elle pousse la porte de notre association, nous pourrons l’aider de mille et une manières à rester autonome, en lui expliquant comment se déplacer dans la rue en toute sécurité, mais aussi travailler, lire ou cuisiner avec cette malvoyance. Cette exposition est l’une des multiples actions que nous menons pour combler notre déficit de notoriété et pouvoir, in fine, aider un maximum de personnes. »

Mieux faire comprendre un handicap invisible

"Carl" par Trésor Makunda

« Carl » par Trésor Makunda

Au-delà du défi technique, cette exposition était surtout une jolie manière de sensibiliser le grand public à la malvoyance, en braquant les projecteurs sur quatre personnes concernées par ce handicap. Un handicap répandu, mais pourtant encore tellement méconnu… Difficile en effet d’imaginer ce que ces personnes sont capables de voir, et ce que cela implique au quotidien. « Contrairement aux idées reçues, les aveugles ne vivent pas dans le noir. » C’est Sylvain Nivard qui l’affirme. « Moi, c’est comme si j’étais dans du coton, très lumineux. Et quand je suis fatigué ou de mauvaise humeur, ça s’assombrit. J’ai pu voir jusqu’à l’âge de 20 ans environ. J’ai beaucoup de souvenirs des années qui ont précédé. Dans ces souvenirs, le rouge, le bleu, le vert reviennent souvent, même si d’autres couleurs ont tendance à s’estomper », décrit-il. « Ce que ce projet a de formidable, c’est qu’il permet à des personnes malvoyantes de partager au plus grand nombre leurs souvenirs, qu’ils gardaient jusqu’alors en eux. C’est un moyen unique de transmettre nos émotions, de créer un lien entre voyants et non-voyants. Grâce à ces images, ces derniers peuvent mieux comprendre ce que nous ressentons. » Comme le dit si bien Trésor Makunda, athlète déficient visuel ayant participé au projet, ces photos permettent aussi de montrer que « derrière l’ombre, il peut y avoir la lumière. »

 

Pour découvrir l’intégralité des oeuvres : www.apertedevue.org

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