Étude n°2 de l’Observatoire
Après une première enquête sur la vue et l’audition des adolescents, publiée en 2015, l’Observatoire du Groupe Optic 2ooo se penche sur la question du vieillissement visuel et auditif de la population active. Ce 23 novembre 2016, l’Observatoire a rendu publique une étude OpinionWay sur la vision et l’audition des actifs de plus de 50 ans, et a donné la parole à cinq experts pour mettre en lumière et analyser les points saillants de cette étude.
© Thomas Barwick
L’allongement de la durée du travail amène à s’interroger sur la pénibilité et les spécificités du travail des séniors. Car si nous devons tous travailler plus longtemps, encore faut-il pouvoir le faire dans de bonnes conditions. La refonte de la médecine du travail et les différents PST (Plan santé au travail) ont mis en avant l’importance de la prévention à tout âge de la vie, afin que chacun puisse « bien vieillir au travail ».
Si les troubles musculo-squelettiques et les douleurs de l’appareil locomoteur sont le plus souvent au premier plan et représentent la première cause de handicap et d’inaptitude au travail, le vieillissement des perceptions sensorielles impacte lui aussi la performance des salariés. Réciproquement, l’activité professionnelle peut révéler ou aggraver les conséquences du vieillissement de l’œil et de l’ouïe. Dans quelle mesure ? C’est ce que le sondage OpinionWay permet de comprendre.
Fatigue, incompréhension et baisse de la concentration
L’enquête OpinionWay a été réalisée auprès de 1 000 actifs de 50 ans et plus (moyenne d’âge 55,3 ans) et de 200 médecins du travail. Elle visait à mettre en lumière le contexte du vieillissement visuel et auditif, les actions de dépistage menées dans le cadre professionnel ainsi que la problématique du port de corrections. Enfin et surtout, cette étude s’est intéressée à l’impact de la baisse des facultés auditives et visuelles sur l’activité professionnelle et sur les solutions que les entreprises pourraient mettre en place pour limiter les gênes perçues par leurs collaborateurs.
Le sondage confirme la prévalence importante des troubles visuels et auditifs chez les plus de 50 ans : 93 % déclarent avoir des problèmes de vision et 30 % avouent souffrir de troubles auditifs. Parmi ces troubles, certains, comme la presbytie ou la presbyacousie, sont directement liés au vieillissement. D’autres, comme l’hypoacousie ou les acouphènes, peuvent être provoqués ou aggravés par des nuisances sonores endurées notamment pendant la vie professionnelle.
Cette enquête confirme les données existantes concernant le taux d’équipement. Si le port de corrections visuelles est relativement bien entré dans les mœurs, il n’en est pas de même pour la correction auditive. Seuls 10% des actifs de plus de 50 ans qui ont un trouble auditif sont équipés d’aides auditives.
© TommL
En revanche, cette enquête révèle que ces troubles visuels et auditifs ont également un impact sur l’activité des travailleurs. 54 % des actifs de plus de 50 ans se plaignent de « fatigue visuelle », 24 % indiquent que leur gêne visuelle entraîne une fatigue générale voire des problèmes d’attention et de concentration (13 %). « Une des principales plaintes chez les séniors est la difficulté à lire quand la lumière baisse. De même, la vision de près (quand on lit, quand on travaille sur écran) entraine la convergence. On parle de « syncinésie accommodation-convergence ». Les efforts que l’œil et les muscles périorbitaires doivent faire pour lire expliquent en partie la fameuse fatigue visuelle dont se plaignent les salariés plus âgés », explique le Docteur Alain Abenhaïm, ophtalmologue.
Fatigue et troubles de la concentration peuvent également survenir en raison d’une baisse de l’acuité auditive. Mais le problème majeur mis en avant par les seniors affectés par un trouble auditif concerne les risques d’incompréhension et les problèmes de communication avec leurs pairs ou leur hiérarchie (35 et 22 %). Un problème dû à « la perte des fréquences conversationnelles » comme l’explique le Docteur Bernard Montinet, chirurgien ORL. « En vieillissant, et sous l’effet de traumatismes sonores, l’oreille perd d’abord les fréquences aiguës, puis les fréquences moyennes. La perte des aigus entraîne des confusions entre certaines consonnes. Lorsque les fréquences moyennes sont atteintes, les troubles de la compréhension deviennent importants. »
Médecins et ergonomes, des alliés de terrain
© Brian Brown
Non moins important, ce sondage met en avant le rôle que peuvent jouer les médecins du travail dans le dépistage des troubles visuels et auditifs et l’orientation vers un spécialiste, ORL ou ophtalmologue. L’enquête montre que ces dépistages sont réalisés dans la quasi totalité des cas pour les troubles visuels et dans un tiers des cas pour les troubles auditifs. Le Docteur Alain Cantineau, médecin du travail, rappelle l’importance des « dépistages ciblés », c’est-à-dire en fonction des conditions de travail, des risques professionnels, mais aussi de l’état de santé et l’âge des travailleurs. Il insiste ainsi sur la nécessité de réaliser des audiogrammes plus complets, « intégrant non seulement la perception des sons (audiogramme tonal) mais aussi la compréhension (audiogramme verbal). »
Le rôle des médecins du travail et de leurs équipes va bien au-delà du dépistage. Dans le cadre de la réforme mise en place depuis juillet 2012, les pôles pluridisciplinaires de santé au travail rassemblent sous l’autorité du médecin du travail une équipe d’infirmiers, d’intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) et d’ergonomes. Membre d’un pôle pluridisciplinaire ou engagé par une entreprise, l’ergonome a pour mission de programmer ou corriger des situations de travail afin d’améliorer simultanément le confort des salariés et leur productivité. « La prise en compte de l’audition et de la vision fait partie des sujets que nous sommes amenés à traiter », explique Willy Buchmann, ergonome, enseignant chercheur au Conservatoire national des arts et métiers. L’ergonome peut ainsi être sollicité pour réorganiser un bureau, veiller à son éclairage, à la disposition des écrans. Un exemple : pour une personne presbyte équipée de verres progressifs, l’écran doit être suffisamment bas pour que la personne n’ait pas à relever excessivement la tête pour lire, ce qui peut à la longue occasionner des douleurs cervicales. « Nous travaillons aussi sur la lumière, en privilégiant habituellement les solutions permettant d’avoir d’une part un éclairage d’ambiance et d’autre part un éclairage d’appoint réglable par le salarié. »
Changer de regard
Bien vieillir au travail ne relève pas seulement de la santé, comme l’observe la sociologue Anne-Marie Guillemard. Le bien-être du salarié tient aussi au regard que l’on porte sur lui. Sur ce point, tout dépend des pays et des cultures. En valorisant l’expérience des « anciens » comme un véritable capital et en proclamant le « droit au travail à tout âge », les pays du Nord proposent à l’Europe un modèle pour travailler plus longtemps en restant jeune. Une stratégie qui se révèle bénéfique pour toutes les générations dans l’entreprise. L’expérience valorise le travailleur senior et enrichit la jeune génération.
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