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L’auriculothérapie : une thérapie efficace pour soulager douleur et anxiété

Mise au point dans les années 50, l’auriculothérapie repose sur la stimulation de certains points du pavillon de l’oreille. Parmi ses indications phares, le soulagement de la douleur et de l’anxiété. Tour d’horizon avec le Dr Michel Frey, Président d’honneur du Conseil supérieur national de l’acupuncture traditionnelle, organisateur du DIU acupuncture et douleur à l’Hôpital Cochin.

Auriculotherapie

Crédit image : Unsplash

L’auriculothérapie est une discipline récente, comment avez-vous été conduit à vous y intéresser ?

Dr Michel Frey : Par hasard ! Officier dans la Marine Nationale et ingénieur en informatique et en électronique, j’ai été sollicité en 1978 par un groupe de recherche en acupuncture de l‘hôpital St Jacques pour mettre au point un électro-auriculogramme, un appareil capable de repérer sur l’oreille des points en lien avec un dysfonctionnement de l’organisme. L’appareil, le « Diagauriculo », était une sorte de petit stylo, doté d’une diode luminescente, qui détectait les variations de charge électrique (« charge capacitaire ») au niveau des « points » d’acupuncture. Le point d’acupuncture possède en effet les propriétés électriques d’un condensateur avec une charge électronique libérant un courant dès la poncture du point. L’appareil s’allumait quand on le passait sur un point nerveux relié à une zone pathologique.

Suite à ce premier travail, j’ai collaboré avec le centre d’odontologie de l’Hôpital Albert Chenevrier afin de trouver un moyen de gérer la douleur de patients —souvent cardiaques sévères— ne pouvant pas être anesthésiés avec les molécules utilisées à l’époque. C’est ainsi que j’ai inventé un dispositif d’auriculothérapie, qui crée par stimulation électrique du pavillon de l’oreille une sorte de brouillage de la douleur. Il est constitué d’un générateur d’impulsions électriques de micro-voltage et de fréquences variables. Ces impulsions électriques entrainent une forme d’analgésie (retard à l’appréciation de la douleur). De l’auriculothérapie, j’ai ensuite été conduit à m’intéresser à l’acupuncture et in fine, à l’âge de 28 ans, je me suis lancé dans des études de médecine pour pratiquer l’acupuncture.

On dit souvent que l’auriculothérapie est une acupuncture auriculaire…

Dr M.F. : Et c’est un abus de langage. L’acupuncture repose sur une architecture énergétique dotée de 365 points placés sur l’ensemble du corps, chaque point correspond à des viscères. En stimulant des points bien choisis on rééquilibre les énergies du corps. L’auriculothérapie de son côté est plus une « réflexothérapie »¹ qu’une acupuncture stricto sensu. Certes elle se pratique volontiers avec des aiguilles (elle peut également se faire avec des aimants, des stimulations par le froid, la lumière, le laser…) mais les logiques qui sous-tendent l’acupuncture et l’auriculothérapie ne sont pas les mêmes. L’auriculothérapie est une dermalgie réflexe². L’oreille est en quelque sorte une représentation miroir de notre corps. Le lobe correspond à la tête, la conque (partie intérieure) aux viscères, l’anthélix à l’appareil locomoteur (membres et vertèbres). De même que la palpation a longtemps été pour les médecins la base du diagnostic clinique, la recherche de points douloureux sur l’oreille – ou du moins réagissant de manière anormale – permet de diagnostiquer une anomalie et ensuite de la soulager par une stimulation adaptée de cette zone. Près de 200 points nerveux ont été identifiés.

Sur quels fondements scientifiques repose cette pratique, et quelles sont ses meilleures indications ?

Dr. M.F. : Les mécanismes en jeu dans toutes ces thérapies restent relativement mal connus. Je suis aujourd’hui spécialisé en accompagnement de l’assistance médicale à la procréation (PMA). Dans ce cadre, j’ai réalisé un certain nombre d’études en imagerie fonctionnelle³ pour tenter d’élucider les mécanismes sous-tendant l’efficacité de l’acupuncture dans cette indication. On peut ainsi voir à l’imagerie que la stimulation de certains points au niveau du pied, va activer l’hypophyse, petite glande située à la base du cerveau, et déclencher le processus folliculaire correspondant à la première étape du cycle menstruel des femmes. A l’IRM, les zones concernées dans le cerveau s’éclairent lorsqu’on agit sur ce point d’acupuncture, signe que cette stimulation fonctionne. Mais une fois que l’on a montré cela, on est absolument incapable de dire comment cette stimulation à distance peut agir et par quelle voie le message est acheminé. Ce n’est pas nerveux, ce n’est pas musculaire, ce n’est pas vasculaire… Mais cela fonctionne. Il en est de même pour l’auriculothérapie, qui est en grande partie empirique. Les créateurs de cette discipline formulent de nombreuses hypothèses. Elles restent à démontrer.

Sur le plan de l’efficacité, un certain nombre d’études tout à fait intéressantes ont été menées pour valider cette approche. Toutes ne sont pas de la même qualité, mais on peut retenir deux grandes indications de l’auriculothérapie : la gestion de la douleur et celle de l’anxiété et du stress comme le confirme le rapport de l’Inserm de juillet 2013 sur l’auriculothérapie⁴. De manière générale toutes les pathologies liées au stress peuvent être améliorées. Par exemple, dans le cadre d’une prise en charge pluridisciplinaire, l’auriculothérapie est un bon adjuvant dans la lutte contre les addictions, les troubles du sommeil et les acouphènes. C’est également une approche extrêmement satisfaisante pour lever des douleurs articulaires et ligamentaires. On peut avoir des résultats quasi immédiats sur des douleurs rebelles ; en revanche ces résultats ne sont pas durables, contrairement à l’acupuncture.

Quelles sont les contre-indications ?

Dr M.F. : Cela reste une médecine douce. Le risque principal serait comme pour toutes les thérapies alternatives, de rejeter les approches plus conventionnelles (allopathie) et de vouloir se soigner uniquement de cette manière. Mais dès lors qu’elle reste une thérapie complémentaire, l’auriculothérapie apporte de réels bénéfices sans danger majeur. A ma connaissance, il n’y a pas de complications majeures à redouter sauf pour les aiguilles semi-permanentes,— sortes de petites punaises piquées pendant quelques jours dans le pavillon de l’oreille— avec lesquelles on a pu observer des cas d’infection. On reste également prudents avec certains patients comme les femmes enceintes, les épileptiques ou encore les asthmatiques…

  • [1] Méthode visant à soulager des pathologies ou des tensions en stimulant des zones réflexes (zones riches en terminaisons nerveuses).
  • [2] Le pavillon de l’oreille peut être considéré comme une cartographie du corps humain répertoriant un réseau de points reliés au système nerveux central.
  • [3] L’Imagerie fonctionnelle permet de visualiser l’activité du cerveau en temps réel. Les zones « actives » du cerveau s’allument sur l’écran. L’imagerie fonctionnelle est très utilisée en recherche pour comprendre les mécanismes impliqués dans les processus cérébraux.
  • [4] https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2017-11/inserm-rapportthematique-evaluationefficaciteauriculotherapie-2013.pdf
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