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Chirurgie des paupières, quels sont ses impacts sur l’esthétique du regard et sur la vision ?

La crise COVID-19 a entrainé un boom de la chirurgie plastique, notamment pour toutes les opérations de la partie haute du visage [1]. Le point avec le Dr Olivier Galatoire, ophtalmologue et oculoplasticien, auteur du rapport chirurgie du regard de la Société Française d’Ophtalmologie (SFO).

Sitôt après le premier confinement, un engouement pour la chirurgie plastique de la partie supérieure de visage a été observé. Pour quelles raisons ?

Dr. G. : Plusieurs causes expliquent cette tendance. Sur le plan psychologique, les analystes ont constaté que beaucoup de gens ont envie de se « faire du bien », de prendre leur santé en main, dans cette période d’incertitude. Le projet d’embellissement, fait partie intégrante de ce désir de s’occuper de soi. Enfin, les outils de téléconférence comme Teams, Zoom et autres Webex, dont les caméras sont implacables, ont contribué à une prise de conscience pour beaucoup d’entre nous du vieillissement de notre visage, de la fatigue qu’il exprimait, des traits tirés. Il faut ajouter que techniquement, le télétravail a favorisé l’accès à ces interventions : la période de « retrait social »—ces jours ou semaines pendant lesquelles on n’ose plus sortir de chez soi car les traits sont altérés par l’opération— est plus facile à gérer lorsqu’on travaille à distance.  Tous ces facteurs conjugués expliquent pourquoi tant de personnes, qui hésitaient encore à faire pratiquer un acte de chirurgie plastique ont franchi le pas. Sans surprise, l’une des interventions les plus demandées est la blépharoplastie, ou chirurgie des paupières. Elle vise à rajeunir le regard, qui reste la seule partie visible de notre visage lorsque nous déambulons avec un masque. La blépharoplastie peut concerner les paupières inférieures et supérieures simultanément, ou seulement l’une des deux. La blépharoplastie inférieure enlève les poches, qui alourdissent le regard ; la supérieure allège une paupière tombante et ouvre le regard.

 

Un ophtalmologue peut-il réaliser une chirurgie des paupières ou bien faut-il nécessairement recourir à un chirurgien plasticien ?

Cette intervention peut être réalisée par un chirurgien plasticien, elle peut aussi l’être par un oculoplasticien, qui est un ophtalmologue spécialisé dans la reconstruction des tissus autour de l’œil. L’ophtalmologue connait bien l’œil et son fonctionnement, il a l’expérience des chirurgies réparatrices de la paupière et de l’orbite, suite à des maladies, des accidents, des traumatismes… et peut donc gérer plus aisément les éventuelles complications. Il est également à même de poser un diagnostic ophtalmologique avant l’opération et de déterminer s’il existe des contre-indications à l’intervention ou des pathologies oculaires sous-jacentes que la blépharoplastie pourrait aggraver (dystrophies ou déformations de cornée, herpes chronique de l’œil, ulcère cornéen…). Je recommande d’avoir recours de manière privilégiée à l’oculoplasticien pour toutes les situations complexes. Certains chirurgiens plasticiens demandent d’ailleurs un bilan ophtalmologique à leurs patients lorsqu’ils ont un doute sur la pertinence de l’intervention.

 

Quelles sont les complications possibles ?

La blépharoplastie supérieure remet en tension l’excédent cutané qui alourdit la paupière. La blépharoplastie inférieure vise à enlever les « poches » qui donnent un air fatigué permanent. Elle peut être réalisée par deux voies :

  • la voie antérieure, avec une incision à la base des cils, permet l’ablation de l’excès cutané et de la graisse ;
  • la voie dite conjonctivale, par l’intérieur de la paupière, permet l’ablation des poches graisseuses uniquement.

L’objectif des blépharoplasties inférieures et supérieures est de rajeunir le regard sans changer la forme de l’œil. L’intervention ne présente pas de risque majeur entre de bonnes mains, elle peut néanmoins entrainer des complications. Dans les suites opératoires immédiates, on constate un hématome et un œdème résolutif, l’œil est souvent sec (ce qui nécessite l’utilisation de larmes artificielles) ou au contraire larmoyant. Cet effet disparaît en quelques semaines. De même la lagophtalmie (impossibilité de fermer totalement l’œil) est fréquente dans les jours qui suivent l’intervention. Elle se résorbe spontanément, sauf si le geste chirurgical a été excessif. Une autre complication est l’œil rond (ectropion). Outre son aspect inesthétique, l’ectropion entraine une irritation de l’œil et un larmoiement. Un retrait excessif des poches graisseuses a aussi pour conséquence un œil creux (qui parait enfoncé). Tout est donc affaire de dose et le geste doit être extrêmement précis pour éviter ces deux écueils. Enfin d’autres complications plus rares peuvent survenir : infection, trouble de la cicatrisation…

Source : https://www.les-ophtalmos-rennais.fr/entropion-et-ectropion

 

Le port de lentilles de contact est-il toujours possible après cette intervention ?

Le port ou non des lentilles est souvent lié à la sécheresse de l’œil. Avoir les yeux secs peut être invalidant dans ce cas. Il faut donc savoir que les glandes lacrymales ne sont pas directement touchées par l’opération mais celle-ci peut affecter le renouvellement du film lacrymal à la surface de l’œil. La paupière est en effet une sorte d’essuie-glace qui étale le film lacrymal. Si la paupière est mal repositionnée, le clignement n’est plus optimal. L’œil sera sec mais ce n’est pas dû à une anomalie sécrétoire, la cause est purement mécanique. Il y a également des petites glandes (glandes de Zeiss et glandes de Moebius) qui secrètent une composante de la partie grasse de la paupière. Ces glandes sont parfois affectées par l’intervention mais c’est rare. On peut donc rassurer les patients : il est souvent nécessaire pendant quelques semaines ou quelques mois de renoncer au port de lentilles de contact mais normalement, tout devrait rentrer dans l’ordre par la suite.

 

La blépharoplastie a-t-elle un impact sur la vision ?

La plupart du temps ce n’est pas l’objectif premier. La blépharoplastie a principalement une visée esthétique. Mais pour certains patients, qui ont une paupière très tombante, et dont le champ visuel est très altéré, cette ouverture du regard aura une incidence bénéfique sur le champ visuel. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les blépharoplasties sont parfois ­— très rarement — prises en charge par l’Assurance Maladie. Il existe également des situations où la paupière est tellement lourde que le patient souffre d’irritations et a une sensation de « corps étranger dans l’œil ». L’opération – là encore prise en charge par l’Assurance Maladie – va le soulager. Mais ces situations sont exceptionnelles. Il faut vraiment une amputation majeure du champ visuel pour que ce soit le cas.

Côté complications, dans certains cas très rares, l’opération conduit à une diplopie, c’est-à-dire une vue double. Cela peut être dû à une inflammation ou un hématome. Le plus souvent cela régresse spontanément. Exceptionnellement, cette diplopie est due à une lésion directe du muscle. C’est heureusement rarissime.

 

Qu’en est-il des canthopexies, très à la mode aujourd’hui ?

Cette intervention vise à modifier la forme de la fente palpébrale, en d’autres termes, à transformer l’œil en un œil en amande. Elle est très souvent réalisée à titre préventif lors d’une blépharoplastie inférieure, afin d’éviter une malposition de la paupière. En effet, la blépharoplastie provoque une traction verticale de la paupière. Si cette dernière est trop laxe, si elle n’est pas bien tenue sur le côté, elle va « bailler » un peu. La canthopexie corrige ce défaut et donc évite ce risque d’ectropion et celui d’entropion, où le bord de la paupière tombe plus vers l’intérieur de l’œil qu’à la normale.

La canthopexie est parfois pratiquée seule, en dehors de toute blépharoplastie. Par exemple sur certains patients, qui ont des « yeux de cocker »… Ils souhaitent remonter l’axe de leurs yeux pour que leur regard soit plus dynamique.

En revanche quand la canthopexie est demandée par des personnes (notamment des jeunes femmes) sans défaut apparent, pour exagérer des yeux en amandes et faire ce qu’on appelle des « yeux de chat » (cat’s eyes ou foxy eyes), nous sommes plus réticents à la pratiquer. Par ailleurs, il faut savoir qu’une fois l’intervention réalisée, il est difficile de revenir en arrière.

Blépharoplastie supérieure : marquage de la paupière ; marquage de l’excision cutanéomusculaire ; excision du lambeau cutanéomusculaire et ouverture ; excision de la graisse orbitaire ; suture cutanée

Source : Galatoire, O. Chirurgie du regard, ed. Elsevier Masson, SFO, 2016. p149 – 150. https://www.em-consulte.com/em/SFO/H2016/9782294750816.pdf

 

[1] https://www.lci.fr/societe/avec-le-covid-la-chirurgie-esthetique-a-de-plus-en-plus-d-adeptes-2179115.html

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