Dr Gualino : « OdySight permet l’auto-surveillance des maculopathies »
Les maculopathies, comme la Dégénérescence Maculaire Liée à l’Âge (DMLA) ou l’œdème maculaire, nécessitent un suivi régulier pour limiter leur évolution. La start-up Tilak Healthcare a mis au point une application mobile, OdySight, capable de suivre l’évolution de ces pathologies depuis le domicile du patient. Le Docteur Vincent Gualino propose OdySight à ses patients depuis septembre 2018 dans sa clinique de Montauban. Partage d’expérience.
©Westend61
Vincent Gualino est secrétaire général de la Société Francophone des Spécialistes de la Rétine et rédacteur en chef des Cahiers d’Ophtalmologie. Ophtalmologue libéral à Montauban, il poursuit une activité de consultant à l’hôpital Lariboisière (Paris), où il est en charge de l’intégration des nouvelles technologies dans la pratique ophtalmologique. Il est également auteur d’un mémoire sur le dépistage de la rétinopathie diabétique par télémédecine et de nombreux articles et ouvrages pédagogiques d’ophtalmologie.
– Vous faites partie des premiers ophtalmologues à avoir testé l’application OdySight, quelle est votre opinion sur ce dispositif ?
Dr Vincent Gualino : Cette application m’intéresse doublement, d’une part en tant que responsable de l’intégration des nouvelles technologies à l’hôpital Lariboisière et d’autre part parce qu’en tant qu’ophtalmologue dans une région rurale, je suis très attentif à tout ce qui peut améliorer le quotidien des patients et des praticiens dans les déserts médicaux. OdySight n’est pas une simple « appli » comme il en existe beaucoup ; c’est un dispositif médical, prescrit par le médecin et utilisé dans le cadre du suivi et de la surveillance de patients atteints de maculopathies. Depuis longtemps, on imaginait la possibilité d’une auto-surveillance des maladies oculaires par les patients. Mais là, c’est la première fois qu’on nous présente une application qui tient la route. Le concept est bien pensé, bien réfléchi et répond à la fois aux besoins des ophtalmologues et aux inquiétudes des patients. Si le patient effectue bien les tests visuels, l’application débloque des crédits qui lui permettent de jouer à un jeu vidéo de puzzles à difficulté croissante. L’envie de progresser dans le jeu pousse à effectuer régulièrement les tests.
« OdySight n’est pas une simple « appli » comme il en existe beaucoup ; c’est un dispositif médical, prescrit par le médecin et utilisé dans le cadre du suivi et de la surveillance de patients atteints de maculopathies. »
– Comment avez-vous intégré OdySight dans votre consultation ?
Application OdySight / ©OdySight
Dr V. G. : Je teste l’application depuis septembre 2018 et constate qu’elle a un impact réel sur l’organisation du suivi des patients et sur le rythme des consultations. En pratique, ce dispositif s’adresse principalement à deux types de patients : ceux souffrant de DMLA et ceux atteints d’œdème maculaire, une altération de la rétine consécutive au diabète. Ces patients doivent être suivis de manière attentive afin qu’ils puissent être traités au plus vite si nous constatons une baisse de la vision. L’application nous permet d’espacer les consultations tout en suivant en direct l’évolution de leur vision. Si les tests visuels détectent une anomalie, le patient et l’ophtalmologiste reçoivent une alerte. Il est alors possible pour l’ophtalmologue d’envoyer un SMS au patient pour lui proposer un rendez-vous médical en urgence. Une gageure, dans le contexte actuel où la pénurie d’ophtalmologues conduit à des délais d’attente de 80 jours en moyenne.[1]
– Comment l’application est-elle accueillie par les patients ?
Dr V. G. : 20 à 30 % des patients sont très préoccupés par leur vision, très angoissés à l’idée que leur maladie puisse évoluer. Le fait de pouvoir faire chez soi un test, sérieux et validé, et de savoir qu’en cas de problème, il est possible de voir immédiatement l’ophtalmologue, cela les rassure. Depuis le début de l’expérience, il m’est déjà arrivé trois fois de recevoir un patient en urgence parce que le test avait détecté une anomalie. Par ailleurs, dans une zone rurale comme la mienne, où les déplacements sont parfois difficiles pour des personnes âgées, savoir que l’on n’a pas besoin de revenir toutes les 4 à 6 semaines en consultation sans pour autant risquer une aggravation de sa maladie, c’est très apprécié. Finalement, les patients perçoivent bien que cette application est un « raccourci » entre eux et le médecin. Cela ne les éloigne pas, au contraire, cela les rapproche et les rassure.
« Les tests permettent de mesurer l’acuité visuelle de chaque œil, la perception des contrastes, la déformation des images et les scotomes. »
– De quel matériel faut-il disposer pour utiliser l’application ?
Dr V. G. : Les patients doivent simplement avoir une tablette ou un smartphone ainsi qu’une adresse e-mail. Je milite pour que l’application soit développée également sur ordinateur car les plus de 80 ans sont parfois plus à l’aise avec un ordinateur et une souris que sur un smartphone ou une tablette tactile. C’est techniquement plus difficile de le faire de façon fiable car il faut avoir une caméra dans l’axe du visage du patient. Les tests, d’une durée de 5 minutes, sont très faciles à réaliser. L’algorithme, couplé à la caméra du smartphone ou de la tablette, est capable de mesurer la distance entre l’œil et l’écran, l’orientation de ce dernier et la luminosité ambiante. Les tests permettent de mesurer l’acuité visuelle de chaque œil, la perception des contrastes, la déformation des images et les scotomes (lacunes dans le champ visuel comme des tâches noires, des points lumineux, etc.). Les études préliminaires montrent que les patients réalisent en moyenne les tests visuels tous les 3 jours, ce qui est un rythme idéal.
– Quelles évolutions prévoyez-vous à l’avenir ?
Dr V. G. : Les données cliniques récoltées à l’hôpital des Quinze-Vingts sont positives. Nous allons maintenant débuter des études « dans la vraie vie » pour mesurer la pénétrance (c’est-à-dire l’acceptation ou le refus de l’application par les patients), l’observance et la pertinence des alertes envoyées au médecin. Ces études vont être menées à la fois en France, dans le service d’ophtalmologie de l’hôpital Lariboisière (AP-HP) avec le Professeur Tadayoni et le Docteur Krivosic, et à Pittsburg où exerce le Professeur Sahel. Ensuite, notre rêve serait d’avoir une application centralisée qui gère tout : les tests visuels mais aussi le Dossier Médical Partagé (DMP), les examens réalisés par le patient, le suivi. On pourrait imaginer aussi un moyen de géolocaliser le patient, pour organiser de façon économique et efficace le transport des patients à mobilité réduite.
Odysight en 4 mots
Expertise : L’application a été conçue par une équipe doublement experte, des ophtalmologues renommés dont le Professeur Sahel et le Docteur Girmens, et des ingénieurs et gamers spécialistes des jeux vidéo. Les tests réalisés à domicile sont directement adaptés de ceux pratiqués au cabinet (grille d’Amsler, Sloan ETDSR, Pelli-Robson).
Fiabilité : Une étude menée à l’hôpital des Quinze-Vingts à Paris sur 78 patients a montré que l’utilisation de l’application donne des résultats parfaitement cohérents avec l’examen clinique dans deux domaines : l’acuité visuelle et l’évolution des scotomes et des métamorphopsies (déformations des images). L’application est moins performante pour détecter la diminution de la sensibilité aux contrastes.
Observance : Les tests visuels sont couplés à des jeux. Pour avoir accès aux jeux le patient doit avoir gagné un certain nombre de « points » aux tests visuels. Les jeux, originaux et addictifs, de difficulté croissante, sont donc là pour renforcer la motivation des patients à réaliser leurs bilans.
Sécurité : Les données collectées sont traitées comme données de santé. Elles sont hébergées par un fournisseur agréé HADS (Hébergeurs Agréés de Données de Santé) et transférées de manière sécurisée sur le tableau de bord du médecin, qui est le seul à y avoir accès.
Pour en savoir plus : www.tilakhealthcare.com
Le fonctionnement de l’application en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=ekzHX8zqgnw
[1] DREES, « Études et Résultats », octobre 2018. En ligne : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1085-2.pdf