Jacques Foenkinos : « Raconter son bruit pour le mettre à distance »
Inaudibles des autres, les acouphènes peuvent plonger les personnes qui en souffrent dans un profond désarroi. Se sentir incompris peut finir par isoler, avec un impact négatif sur la vie sociale. Jacques Foenkinos, Président de l’association France Acouphènes, témoigne de ces difficultés vécues au quotidien par les personnes acouphéniques.
Jacques Foenkinos, président de France Acouphènes ©DR / Le Parisien
Que disent les personnes atteintes d’acouphènes de leur expérience ?
Jacques Foenkinos : C’est la panique car l’acouphène est un symptôme que nous sommes les seuls à entendre. Nous avons du mal à partager notre ressenti avec les proches ou le médecin. De plus, il n’existe pas de technique médicale (analyse sanguine, imagerie…) qui permettrait d’attester de notre souffrance. Globalement, le sentiment qui revient le plus souvent chez les personnes contactant France Acouphènes est celui d’être incompris. Lorsque les acouphènes apparaissent, les personnes atteintes cherchent avant tout à ce qu’on reconnaisse leur douleur. Cela entraîne souvent un certain nomadisme médical, à la recherche du médecin qui comprendra. On va de consultation en consultation, de déception en déception, et on peut finir par se replier sur soi. Or, plus on est replié sur soi, plus nos sens sont focalisés sur le bruit des acouphènes et celui-ci devient alors de plus en plus gênant. Raconter son bruit permet de le mettre à distance, c’est-à-dire de le mettre en priorité moindre dans le cerveau. Il est donc important de trouver quelqu’un qui nous comprenne.
« Plus on est replié sur soi, plus nos sens sont focalisés sur le bruit des acouphènes et celui-ci devient alors de plus en plus gênant. »
Les personnes victimes d’acouphènes trouvent-elles du soutien auprès de leur entourage familial ?
J. F. : Ce n’est pas si simple. Les acouphènes peuvent entraîner un repli sur soi et des idées noires, ce qui a un fort impact négatif sur les relations en général, y compris dans le cadre familial. On a vu des grands-parents ne plus fréquenter leurs petits-enfants car ils ne supportaient plus le bruit. Souffrir d’acouphènes peut rendre plus irritable et moins patient. Cela dit, ce sont très souvent les aidants familiaux, se sentant impuissants, surtout quand leur proche présente des signes de dépression, qui appellent notre ligne d’écoute téléphonique (0820 222 213) tenue par des bénévoles formés et souffrant eux-mêmes de cette pathologie. En tant que patients-experts, nous sommes crédibles et les personnes en souffrance se sentent comprises. Elles se rendent finalement compte qu’il est possible de vivre malgré leurs acouphènes.
Quel est l’impact sur la vie professionnelle ?
J. F. : Si les acouphènes sont mieux connus de la population générale depuis plusieurs années, cela reste néanmoins un problème dans le milieu professionnel. Certaines personnes préfèrent taire leurs symptômes de peur d’être écartées, mises sur la touche. Lorsque l’on est en forme, l’acouphène est plus supportable. En revanche, quand on est fatigué, l’acouphène semble alors très fort et il est plus difficile d’accomplir son travail. Du coup, on passe pour des fainéants. Je dis souvent que le milieu professionnel n’aime pas les handicaps invisibles. D’ailleurs, les dossiers traités par les MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) sont encore reçus de façon très hétérogène sur le territoire en ce qui concerne les acouphènes, car les critères de classement ne sont pas adaptés. L’acceptation varie selon la connaissance du médecin référent de la MDPH sur les acouphènes. L’association France Acouphènes fait partie du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) depuis 2009. Cela nous permet de donner notre avis afin de faire évoluer les lois notamment dans le cadre du milieu professionnel, pour que le handicap des personnes acouphéniques soit mieux reconnu et accompagné.
Pour en savoir plus :
– Le site Internet France Acouphènes : https://france-acouphenes.org
– Un livre de référence : Acouphènes, Hyperacousie, Maladie de Menière, Neurinome de l’acoustique, Le livre référence : conseils pratiques et témoignages : https://france-acouphenes.org/index.php/boutique/product/32-acouphenes-le-livre-reference
– Une revue trimestrielle : https://www.france-acouphenes.org/index.php/la-revue