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Laurent Milstayn : « La rééducation oculaire a de nombreuses applications »

Pratiquée par les orthoptistes, la rééducation oculaire peut soulager de nombreux troubles de la vision, mais également des pathologies exogènes d’origine neurologique ou posturologique. Laurent Milstayn, président du Syndicat national des orthoptistes (SNAO), nous en dit plus.

– Qu’est-ce que la rééducation oculaire ?

Laurent Milstayn : La rééducation oculaire vise à synchroniser les deux yeux, à la fois sur le plan moteur, afin qu’ils bougent en même temps dans la même direction, et aussi sur le plan sensoriel, pour qu’ils envoient deux images compatibles au cerveau. Quand les mouvements des yeux sont discordants, les images reçues par le cortex visuel ne se superposent pas de manière optimale. Lorsque cela devient trop inconfortable, le cerveau compense en « éteignant » une des deux images pour éviter de voir double. Avec la rééducation orthoptique, nous travaillons à ce que les deux yeux envoient bien deux images cohérentes au cerveau. La vision est plus nette, plus confortable, les distances et les reliefs sont mieux perçus…

– Comment cela fonctionne-t-il concrètement ?

L. M. : Les orthoptistes s’appuient sur différents exercices destinés à faire travailler de manière optimale les 6 paires de muscles périorbitaires qui gouvernent la mobilité des yeux. On s’intéresse tout particulièrement aux muscles droits latéraux car ce sont les plus sollicités dans la convergence, où les yeux se tournent vers l’intérieur, et la divergence, où les yeux se tournent vers l’extérieur. Quand on stimule ces muscles on les renforce, mais on les étire aussi, on les assouplit, afin qu’ils puissent développer la puissance nécessaire à un confort visuel au quotidien. En douze à quinze séances, nous parvenons à réharmoniser les déplacements oculaires.

« Il arrive souvent qu’en faisant travailler les yeux on arrive à décoincer un problème de mâchoire ou d’équilibre podal. »

– Quels troubles la rééducation oculaire permet-elle de soulager ?

L. M. : On a souvent tendance à penser que les séances chez l’orthoptiste sont destinées essentiellement aux enfants souffrant de problèmes de convergence et aux amblyopes. En réalité, la rééducation oculaire a de très nombreuses applications. Il n’est pas rare que des personnes victimes de maux de tête à répétition, ou des gens qui ont des difficultés à se concentrer, aient en réalité des problèmes de coordination entre les deux yeux. La rééducation orthoptique peut également corriger certains troubles de l’apprentissage de la lecture chez les enfants. Nous voyons parfois, dans nos cabinets, des jeunes qui ont été suivis pendant des années en orthophonie sans que l’on n’ait jamais pensé à vérifier que les « caméras », que sont leurs deux yeux, étaient bien synchronisées.

La rééducation de la vision concerne également certains patients atteints de pathologies oculaires (DMLA, glaucome) ou encore des personnes victimes d’une atteinte neurologique (AVC, sclérose en plaques, Parkinson). Il existe aussi des indications en posturologie. Celle-ci repose sur trois afférences : les pieds, les dents, le regard. Il arrive souvent qu’en faisant travailler les yeux on arrive à décoincer un problème de mâchoire ou d’équilibre podal. On peut aussi soulager des patients souffrant de dorsalgies, de douleurs dans les trapèzes, dans les genoux, en resynchronisant leurs yeux par une rééducation adaptée. Réciproquement, corriger un autre plan d’équilibre peut améliorer la coordination du regard. Nous travaillons volontiers en équipe avec des podologues, des ostéopathes, des occlusodontistes…

« La rééducation peut redonner un peu de souplesse au cristallin. »

– Et pour corriger la presbytie ?

L. M. : En vision de près, la netteté de l’image perçue est liée au phénomène d’accommodation, c’est-à-dire à la capacité du cristallin, la lentille située à l’intérieur de l’œil, de s’adapter en permanence à ce que l’on regarde. Les muscles ciliaires, situés dans l’œil, modifient la courbure de cette lentille. Avec l’âge, le cristallin durcit et les muscles ciliaires sont incapables de changer suffisamment sa forme. C’est là qu’apparait la presbytie : l’œil ne parvient plus à « accommoder ». En début de presbytie, vers 42-43 ans, quand on commence à avoir du mal à faire la mise au point, la rééducation peut redonner un peu de souplesse au cristallin. Cela permet d’attendre quelques années, 3, 4 voire 5 ans, avant de devoir porter des lunettes.

– Que pensez-vous des techniques de « yoga des yeux » ou de « gymnastique oculaire » à réaliser soi-même ? Certaines applications mobiles prétendent que leurs utilisateurs peuvent parvenir à se passer de lunettes…

Le yoga des yeux ou la méthode Bates sont des techniques qui peuvent soulager la fatigue oculaire. De là à dire que cela permet de se dispenser de lunettes, cela reste à prouver. Anatomiquement, un œil myope est un œil trop long, je ne vois pas comment la méditation ou le yoga pourraient modifier la taille d’un œil.

En ce qui concerne l’application sur smartphone GlassOff, nous l’avons testée car le concept nous paraissait intéressant et les premières études cliniques semblaient encourageantes. Le principe de cette rééducation est en effet basé sur la plasticité cérébrale. À ma connaissance, aucun des orthoptistes qui a tenté d’utiliser cette méthode ne l’a trouvé miraculeuse, mais il est tout à fait possible qu’en travaillant sur la plasticité cérébrale, c’est-à-dire la capacité du cerveau à analyser autrement les informations qu’il reçoit, on ait un petit effet bénéfique.

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