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Philippe Fuchs : « La réalité virtuelle peut être à la fois un outil d’évaluation et de rééducation »

La réalité virtuelle est très utilisée dans les jeux vidéos, mais elle a aussi beaucoup d’applications thérapeutiques. L’essor de la technologie des smartphones a contribué à une plus large diffusion des visiocasques, dont les modèles sont toujours plus performants et les prix plus abordables. Interview de Philippe Fuchs, Professeur de réalité virtuelle à Mines ParisTech, auteur de « Les Casques de réalité virtuelle et de jeux vidéo ».

Portrait de Philippe Fuchs

Philippe Fuchs

– Comment définissez-vous la réalité virtuelle ?

Philippe Fuchs : Sa finalité est de permettre à une ou plusieurs personnes une activité sensorimotrice (physique) et cognitive dans un monde artificiel, créé numériquement. Ce dernier peut être une simulation partielle du monde réel ou totalement imaginaire. Il y a 25 ans, on utilisait la technologie des images de synthèse. Aujourd’hui, des petites caméras permettent de filmer un environnement à 360 °, dans lequel on est immergé artificiellement avec un visiocasque. La réalité virtuelle suppose à la fois une immersion et une interaction. En effet, les personnes immergées dans la réalité virtuelle ne font pas qu’observer l’environnement, mais interagissent avec lui. Grâce à cette technique, les constructeurs automobiles peuvent ainsi conduire leur voiture, tester les boutons de la planche de bord… Quant aux chirurgiens qui pratiquent par voie par endoscopique, ils peuvent s’entraîner à faire des opérations…

– Les visiocasques d’aujourd’hui sont-ils vraiment plus performants ?

P. F. : On crée des visiocasques depuis plus d’un quart de siècle. Les premiers modèles étaient rudimentaires et onéreux. Grâce au développement à large échelle des technologies pour les smartphones, il est désormais possible de fabriquer des visiocasques de meilleure qualité et moins chers. Il y a deux catégories de visiocasques, ceux employant un smartphone, donc moins onéreux (le Gear VR) et d’autres, conçus entièrement à partir des écrans de smartphones (Oculus, HTC Valve…), et dont la résolution n’est pas encore très satisfaisante. La réalité virtuelle se démocratise, tout en étant déjà très implantée dans certains milieux professionnels. Le visiocasque idéal, qui n’existe pas encore, a de grands champs de vision horizontaux et verticaux correspondant à ceux des yeux et une vision stéréoscopique (perception des reliefs) dans le champ de vision binoculaire. Il est également doté d’une très haute résolution graphique et a une immersion du regard dans le monde virtuel.

Femme qui porte un casque de réalité virtuelle

© humonia

– Quelles sont les applications thérapeutiques de la réalité virtuelle ?

P. F. : Les principales sont les troubles psychiatriques, cognitifs et sensori-moteurs. S’agissant des troubles psychiatriques, la réalité virtuelle est un outil thérapeutique utilisé dans le traitement des phobies, de l’anxiété, des addictions… L’un des précurseurs en ce domaine est le Docteur Roland Jouvent, psychiatre à la Pitié-Salpétrière, qui a recours à la réalité virtuelle pour le traitement des phobies. Il s’agit d’une désensibilisation progressive. Ainsi, en cas d’arachnophobie, le fait d’être confronté à une araignée dans la réalité virtuelle, amoindrit l’angoisse lors de la rencontre réelle. Sur le plan cognitif, les médecins ont aussi recours à la réalité virtuelle auprès de personnes qui, après un accident vasculaire cérébral ou un traumatisme crânien, sont sujettes à des dysfonctions exécutives (difficultés dans l’élaboration de stratégies, la planification des tâches à accomplir, la flexibilité mentale…). La réalité virtuelle devient ici à la fois un outil d’évaluation (mesurant la perte des fonctions exécutives et d’autonomie) et un outil de rééducation. Enfin, la réalité virtuelle vient aussi au secours des personnes âgées et/ou handicapées sur le plan sensori-moteur.

– Le port d’un visiocasque a t-il un impact sur la santé visuelle ?

P. F. : Oui, le fait d’avoir des écrans très près des yeux entraîne une mauvaise accommodation. Autre souci : le réglage imparfait de l’écartement entre les deux images, qui est susceptible de perturber le système oculomoteur. Par ailleurs, la lumière blanche des écrans contient trop de bleu. Or, on sait aujourd’hui que certaines fréquences du bleu ont un impact sur l’œil. Enfin, n’oublions pas les incohérences sensori-motrices, dont l’incohérence visio-vestibulaire. Cette dernière est due au fait qu’une personne dotée d’un visiocasque perçoit un déplacement virtuel, tandis que son oreille détecte un non-déplacement. Elle peut être sujette à des troubles de l’équilibre, parfois même des nausées, des vomissements… On parle de « mal de la réalité virtuelle ». Ces effets indésirables peuvent cependant être évités si l’on se déplace dans l’espace virtuel sans accélérations brutales. Il existe aussi une incohérence accommodation/vergence générée par les images stéréoscopiques. C’est la raison pour laquelle la vision en stéréoscopique est déconseillée aux enfants de moins de 6 ans.

Pour en savoir plus, consultez notre article sur les recommandations de l’Anses quant à l’utilisation de la 3D.

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