Pr Eric Souied : « Les antiVEGF permettent de stabiliser la DMLA dans 95 % des cas »
Dans son numéro d’avril, la revue internationale « The ophthalmologist » a distingué les 100 personnes les plus influentes du monde de l’ophtalmologie. L’une des deux personnalités françaises présentes dans ce top, le Professeur Eric Souied, chef de service d’ophtalmologie à l’Hôpital Intercommunal de Créteil, est spécialiste de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). L’occasion de faire le point avec lui sur cette pathologie et ses traitements, notamment les injections intravitréennes d’antiVEGF.
Professeur Eric Souied
– Comment est prise en charge la DMLA aujourd’hui ?
Pr Eric Souied : L’avancée majeure qui a permis de changer le statut de la maladie, d’incurable à chronique, a eu lieu il y a douze ans. Il s’agit de l’arrivée sur le marché des antiVEGF, des molécules antiangiogéniques. Injectées régulièrement dans le blanc de l’œil, toutes les quatre à huit semaines, elles bloquent la croissance des vaisseaux et diminuent leur perméabilité. Ceci permet de stabiliser la maladie, c’est-à-dire d’arrêter son évolution dans 95 % des cas.
Cependant, il faut avoir en mémoire qu’il existe deux formes de DMLA : la forme humide (ou exsudative) qui peut bénéficier de ce traitement remarquable, et la forme sèche (ou atrophique) pour laquelle on ne peut malheureusement encore rien proposer à nos patients.
– À quoi ressembleront les traitements de demain ?
©JodiJacobson
E. S. : Concernant la forme humide, tout l’art est maintenant d’individualiser le traitement. Le principe est d’initier au plus vite le traitement antiangiogénique. Cette phase est suivie par une période d’observation qui permet d’individualiser ensuite le protocole au profil évolutif du patient. Nous aimerions aujourd’hui obtenir une réponse thérapeutique plus longue, grâce à de nouvelles molécules ou à des combinaisons. Il s’agit d’espacer les visites et les injections, à la fois pour le patient âgé, parfois atteint d’une autre maladie et pour lequel la multiplication des visites est pénible, mais aussi pour la société. Nous, ophtalmologistes, sommes bien conscients que ces médicaments coûtent cher. Ceci dit, il faut bien souligner que, grâce aux antiVEGF, la cécité légale (acuité visuelle du meilleur œil inférieure à 1/10e) a diminué de moitié.
– Et pour la forme sèche ?
E. S. : Pour la forme sèche, deux perspectives se dessinent. La première repose sur l’utilisation de cellules souches pluripotentes, capables de se différencier dans tous les types cellulaires, qui permettrait de reconstruire un épithélium sain. Nous travaillons sur ce sujet avec une équipe de l’Université de Californie à Los Angeles. Cette thématique de recherche est limitée en France pour des questions bioéthiques.
Deuxième voie de recherche qui concerne les formes très avancées : les implants ou puces rétiniennes, qui permettent de percevoir des formes chez ceux qui ont totalement perdu la vue.
« J’ai tendance à dire qu’un menu saumon-épinards est parfait pour votre vue. »
– Quels sont les axes des recherches menées dans votre service ?
E. S. : Nous sommes à la pointe de la recherche pour deux grands axes. Tout d’abord, nous nous intéressons aux facteurs environnementaux et génétiques de prédisposition ou modulateurs de la DMLA. Nous avons ainsi été les premiers à identifier dès 1998 un polymorphisme génétique lié à la DMLA. En 2005, d’autres gènes majeurs ont été mis en évidence. Mon équipe a aussi étudié des facteurs alimentaires associés à une moindre incidence de la maladie. Parmi ces facteurs alimentaires protecteurs, on trouve le DHA qui est un oméga 3 à longue chaîne, et les pigments xanthophylles tels que la lutéine et la xanthine. J’ai tendance à dire qu’un menu « saumon-épinards » est parfait pour votre vue.
Nous travaillons aussi sur l’imagerie qui sert au diagnostic et dont l’évolution est allée de pair avec celle de la thérapeutique. Nous essayons en ce moment de visualiser, grâce à de l’imagerie, maculaire des signes précliniques de la maladie.
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