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Pr. Jean-Philippe Guyot : « L’implant vestibulaire est bien toléré et permet de restaurer parfaitement la fonction d’équilibre »

À l’instar des implants cochléaires qui permettent de restaurer la fonction auditive des sourds profonds, des neuroprothèses vestibulaires pourraient bientôt être proposées aux personnes souffrant d’un déficit vestibulaire total. Interview du Professeur Jean-Philippe Guyot, médecin-chef du Service ORL et chirurgie cervico-faciale des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), à l’origine de ces recherches.

Portrait du professeur Jean-Philippe Guyot

Pr. Jean-Philippe Guyot

– Qu’est-ce qu’un déficit vestibulaire complet ?

Jean-Philippe Guyot : Le système vestibulaire est un organe sensoriel logé dans l’oreille interne qui permet notamment de garder l’équilibre. On parle de déficit total ou bilatéral quand les systèmes vestibulaires des deux oreilles ne fonctionnent plus. Les gens qui en souffrent ont un équilibre très précaire, avec des chutes fréquentes et violentes. En effet, ils ne bénéficient plus du système d’alerte rapide qui permet d’anticiper les chutes. Le regard d’autrui est évidemment très désagréable car leur démarche laisse penser qu’ils sont ivres. Ils sont d’autant moins compris qu’il est particulièrement difficile d’expliquer leur handicap car la fonction vestibulaire est inconsciente. On ne se rend compte de son importance que lorsque l’on en est privé. D’autre part, comme le système vestibulaire concourt à maintenir le regard fixe, la vision devient floue au moindre mouvement. Ces personnes présentent également des troubles d’orientation spatiale et des troubles de l’horloge biologique.

– Quel est le principe de fonctionnement des implants vestibulaires ?

J-P. G. : Chez les patients pour lesquels l’oreille interne ne code plus les mouvements de l’espace, l’implant vestibulaire a pour but de retrouver la fonction vestibulaire perdue. Pour le concevoir, nous nous sommes fondés sur le principe de l’implant cochléaire utilisé avec succès depuis les années 1980 chez les adultes sourds profonds. La neuroprothèse vestibulaire se compose d’un capteur de mouvements fixé sur le crâne, d’un processeur qui transforme ces informations en signaux électriques, jouant ainsi le rôle de l’oreille interne défaillante, et d’électrodes implantées dans le nerf vestibulaire. Les signaux électriques générés par le processeur sont transmis au nerf vestibulaire via les électrodes, puis parviennent au cerveau.

« La fonction vestibulaire est inconsciente : on ne se rend compte de son importance que lorsque l’on en est privé. »

– Que s’est-il passé depuis la première implantation en 2007 ?

J-P. G. : En 2007, nous avons réalisé avec succès la première implantation sur un patient sourd. Puis,le développement de la solution a été freiné par la mésaventure d’une équipe de recherche américaine, qui a opéré des volontaires souffrant de troubles vestibulaires non-sourds. Suite à la pose des électrodes vestibulaires, certains d’entre eux ont eu des lésions auditives irréversibles. Pour notre projet, nous avons toujours sélectionné des personnes sourdes d’au moins une oreille, par précaution. En parallèle, nous avons développé une technique chirurgicale particulière d’implantation des électrodes, sur les branches du nerf vestibulaire à la sortie de l’oreille interne et donc à distance du nerf auditif. Cela permet d’écarter le risque d’atteinte auditive.

– Combien de patients sont à ce jour équipés de telles prothèses ?

Vertige dans la rue

©Joel-Hageman

J-P. G. : Treize personnes sont aujourd’hui équipées. Ces patients sont implantés pour une seule oreille, ce qui est suffisant pour retrouver la fonction vestibulaire. Ils viennent régulièrement au laboratoire pour faire des tests. Avec un recul de plus de dix ans, on se rend compte que les électrodes sont très bien tolérées. La preuve la plus probante que l’implant vestibulaire fonctionne est que le trouble visuel dont souffrent les patients au moindre mouvement disparaît lorsque l’implant vestibulaire est mis en fonction. En étudiant le réflexe vestibulo-oculaire, qui consiste à tester l’acuité visuelle au repos ou sur un tapis roulant, on a également démontré que le dispositif restaurait parfaitement la fonction d’équilibre. La faisabilité du projet est donc faite. Maintenant, la neuroprothèse, comme tout dispositif médical, doit être agréée. Un processus réglementaire obligatoire dans lequel s’est récemment lancé le fabricant spécialiste des implants auditifs MED-EL.

 

Pour en savoir plus :
Article de Sciences et Avenir.fr du 12/11/2017 : « Une neuroprothèse pour retrouver l’équilibre »

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