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Tout savoir sur les traumatismes oculaires liés au sport

Les traumatismes oculaires dans le sport. Voilà un sujet assez peu évoqué, mais passionnant, assurément. Il a fait l’objet d’un symposium Optic 2000 lors du dernier congrès de la Société française d’ophtalmologie (SFO). Le Dr Sophie Bonnin, ophtalmologue à l’hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, nous en parle.

Deux joueurs qui se disputent le ballon de rugbyL’un des thèmes abordés dans le symposium était « L’œil, fenêtre ouverte sur les commotions ». Quel est le lien entre les deux ?

Dr Sophie Bonnin : Il faut déjà savoir que la rétine est un tissu nerveux dont la composition se rapproche de celle du tissu cérébral. Les deux ont des neurones et des cellules gliales. Par ailleurs, on sait que certaines pathologies neuro-inflammatoires et neurodégénératives entraînent des modifications des épaisseurs rétiniennes. Cela montre tout l’intérêt qu’il y a à regarder l’œil comme une fenêtre sur le cerveau.

Les commotions cérébrales, qui sont aujourd’hui plus prises au sérieux, dans le rugby notamment, pourraient-elles bénéficier d’un biomarqueur situé dans les yeux ?

Dr S.B. : C’est probable et c’est actuellement un axe de recherche. Le risque à long terme des commotions cérébrales répétées, c’est l’encéphalopathie chronique post traumatique (ETC), une maladie dégénérative du cerveau. Or, pour l’instant, nous avons encore peu de biomarqueurs permettant de prédire, parmi les sportifs ayant eu des traumatismes crâniens à répétition, pourquoi certains développeront une ETC, et d’autres non. Une publication montrait que l’épaisseur de la couche des fibres optiques péripapillaires chez les rugbymen professionnels à la retraite était inférieure à la normale. D’autres études sont nécessaires pour affirmer l’intérêt de ce potentiel biomarqueur.

Des outils ophtalmologiques pourraient-ils aussi, dans les prochaines années, être utilisés au bord du terrain ?

Dr S.B. : Pourquoi pas ! Cela pourrait être extrêmement utile. Nous avons besoin d’outils permettant de confirmer le diagnostic de commotion cérébrale. Car il est dommage d’arrêter quelqu’un qui pourrait continuer à jouer, et inversement de laisser jouer une personne qui est en danger. Aucun athlète atteint de commotion cérébrale ne doit retourner sur le terrain le jour du traumatisme et les jours suivants. Aujourd’hui, les médecins utilisent un questionnaire, le SCAT5, pour évaluer l’état des joueurs. Mais cet outil a des limites. Nous avons besoin d’outils de détection plus performants, et de biomarqueurs fiables à utiliser au bord du terrain.

« Les abrasions cornéennes sont très fréquentes, tout comme les contusions oculaires, souvent provoquées lorsqu’une balle frappe l’œil, ou lors de sports de contact.»

Quels sont les traumatismes oculaires les plus fréquents dans l’univers sportif ?

Dr S.B. : Les abrasions cornéennes sont très fréquentes, tout comme les contusions oculaires, souvent provoquées lorsqu’une balle (tennis, squash, badminton…) frappe l’œil, ou lors de sports de contact (boxe, rugby…). Ces traumatismes peuvent entraîner des fractures du plancher de l’orbite, une déchirure ou même un décollement de rétine, une lésion de l’iris, une hémorragie intra-vitréenne, entre autres. Des plaies oculaires, et parfois des perforations oculaires peuvent survenir dans un contexte sportif. Il existe alors un risque d’infection, qui nécessite une prise en charge en urgence.

Quelle est aujourd’hui la prise en charge de ces traumatismes ?

Dr S.B. : Face à des contusions peu graves, un traitement local (anti-inflammatoires et/ou antiseptiques) peut suffire. En cas d’ulcère cornéen, le traitement comprend souvent un collyre antibiotique et/ou cicatrisant, avec parfois un pansement oculaire pour laisser le temps à l’épithélium cornéen de cicatriser. Mais si la plaie est perforante, une intervention chirurgicale est nécessaire.
En cas de contusion du globe oculaire, on recherchera également une fracture du plancher de l’orbite. Un scanner orbitaire est alors réalisé en urgence et dans certains cas, la fracture doit être opérée en urgence (notamment en cas d’incarcération d’un muscle oculo-moteur dans le foyer de fracture).
En cas de décollement de rétine, une prise en charge chirurgicale est également rapidement nécessaire, afin d’optimiser la récupération visuelle.

« Au-delà des fréquentes érosions superficielles, certains traumatismes oculaires survenant pendant la pratique sportive peuvent être graves et menacer la vision. »

Ces traumatismes oculaires peuvent-ils avoir des séquelles sur le long terme ?

Dr S.B. : Oui. Au-delà des fréquentes érosions superficielles, certains traumatismes oculaires survenant pendant la pratique sportive peuvent être graves et menacer la vision. Un traumatisme oculaire peut ainsi être responsable d’une atrophie du nerf optique ou de la rétine. Toutes les lésions discrètes ou cachées (rupture de la sclère en arrière, perforation minime…) sont donc à rechercher activement, pour éviter les complications. D’autant que la douleur n’est pas toujours proportionnelle à la gravité du traumatisme, d’où l’importance d’un bilan ophtalmologique complet. De façon générale, si une consultation à intervalles réguliers chez son ophtalmologiste est importante pour tous, elle l’est encore plus pour les sportifs. Prendre rendez-vous une fois par an avec ce spécialiste -et lui indiquer quel sport on pratique- pourra le pousser, par exemple, à faire un fond d’œil, pour vérifier la périphérie de la rétine. Cela pourra permettre de détecter, et traiter, d’éventuelles lésions cachées, et d’éviter bien des complications par la suite.

Comment prévenir ces traumatismes oculaires ?

Dr S.B. : Les lunettes ou masques de protection peuvent être utiles. Ces équipements de sécurité ne sont obligatoires que pour les jeunes de moins de 19 ans en compétition de squash. Mais ils restent vivement conseillés dans d’innombrables sports. On estime aujourd’hui que 7,5 % des traumatismes oculaires sont d’origine sportive. Protéger l’œil et son orbite devrait devenir un réflexe, comme le fait de protéger la tête avec un casque. Une étude de l’American academy of pediatrics montrait qu’en portant un équipement adapté, on réduisait le risque de traumatismes oculaires de 90 %. Les lunettes adaptées à la pratique sportive sont aujourd’hui un concentré de technologie, avec une forme anatomique, des plastiques ultra légers, flexibles et résistants, des mousses pour plus d’amorti, ou des filtres pour optimiser les contrastes, et peuvent intégrer la correction optique.

 

Pour visionner l’intégralité du symposium Optic 2000 sur le sujet 

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