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De la lumière rouge pour contrer le vieillissement de la rétine

Selon une étude parue en juin 2020, fixer une lumière rouge pendant 3 minutes par jour pourrait améliorer la vue des personnes de plus de 40 ans, en ralentissant le vieillissement de la rétine.

Œil fixant une lumière rouge

©Sumit Gandhi / EyeEm

Des millions de personnes dans le monde pourraient-elles bientôt avoir accès à une technologie simple et peu coûteuse pour freiner le vieillissement de la rétine et lutter contre le déclin de la vision ? C’est ce que suggère une étude parue en juin 2020 dans la revue scientifique Journal of Gerontology. Des chercheurs de l’Institut Ophtalmologique de l’University College de Londres (UCL) ont demandé à des volontaires de plus de 40 ans de fixer une lumière rouge à 670 nanomètres (nm) au moyen d’une petite torche à LED rouges quelques minutes par jour pendant deux semaines. Ainsi, de meilleures performances visuelles ont pu être observées. « L’intérêt de la lumière rouge était dans l’air du temps depuis longtemps, ceci était même souligné par l’Anses dans son rapport sur les LED de 2019. Cependant, cette petite étude pilote, bien conduite, mais sur un nombre encore limité de personnes, ouvre peut-être une piste pour une éventuelle future thérapie. Mais il faut être prudent, il reste encore beaucoup de travail de recherche à faire », commente le Dr Alicia Torriglia, de l’Institut des Cordeliers, spécialiste des effets des LED sur la vision, à la lecture de l’étude de ses confrères anglais.

Un effet sur les cônes et les bâtonnets

Lors d’expériences précédentes sur des modèles animaux, chez des souris, bourdons ou encore des mouches, les chercheurs de l’UCL et d’autres équipes avaient découvert que l’exposition des yeux des animaux à une lumière rouge à 670 nm améliore la vision. Ils ont donc décidé de tester l’intérêt de cette longueur d’onde sur des sujets humains. Vingt-quatre participants de 28 à 72 ans, hommes et femmes sans problèmes préalables de vision, ont été inclus dans l’étude. Les personnes devaient fixer la lumière d’une petite torche à LED rouges 3 minutes par jour chez elles, la sensibilité des cônes et des bâtonnets de leurs rétines a ensuite été évaluée. Les cônes permettent de distinguer le contraste des couleurs, tandis que les bâtonnets, beaucoup plus sensibles au photovieillissement, nous sont utiles pour la vision nocturne et à faible luminosité.

Des mesures ont été réalisées, avant et après traitement, en demandant aux participants de détecter des signaux lumineux faibles, après avoir adapté leurs yeux à l’obscurité, ou d’identifier des lettres colorées avec des contrastes faibles. Bilan de l’expérience ? Aucun changement n’a été remarqué chez les participants âgés de moins de 38 ans. En revanche, une amélioration de plus de 20 % de la discrimination des contrastes lumineux dans les tons de bleu (perçus par les cônes récepteurs de la couleur bleu) a été notée après traitement dans le groupe de participants de plus de 38 ans. Ainsi chez ce groupe, la capacité de percevoir la couleur bleue a été améliorée. Le fonctionnement des cônes a donc significativement progressé et il en va de même quant à l’observation de la fonction des bâtonnets. Si l’expérience montre que ce traitement à la lumière rouge pourrait sensiblement prévenir le déclin visuel dès les alentours de 40 ans, les participants ne notaient cependant pas de changement subjectif dans leur vision. « Ce résultat est encourageant mais pas surprenant car il est en ligne avec ce qui a été constaté chez certains modèles animaux. Il est intéressant de voir qu’il y a un effet très rapidement, dès deux semaines. En revanche, cette étude ne permet pas de savoir si on atteint un plateau très rapidement ou si l’effet pourrait encore augmenter avec un traitement plus long. De plus il faudrait conduire des investigations pour s’assurer que des effets délétères sur d’autres structures oculaires (cornée, cristallin, par exemple) n’apparaissent pas », estime le Dr Torriglia.

Une lumière qui stimule les « centrales énergétiques » de nos cellules

Sans le démontrer, les chercheurs font l’hypothèse que cette thérapie agirait par une stimulation des mitochondries, les « centrales énergétiques » au sein de nos cellules. Ces petites structures permettent de fabriquer l’énergie nécessaire aux réactions chimiques du métabolisme. Ce processus préserve au passage les cellules des dangers de l’oxydation.

Les cônes et les bâtonnets sont des cellules photoréceptrices de la rétine particulièrement riches en mitochondries. Cela implique qu’elles fabriquent beaucoup d’énergie pour fonctionner. Cependant, les mitochondries de ces cellules perdent près de 70 % de leur fonction après le vieillissement, diminuant ainsi la quantité d’énergie qu’elles peuvent produire. En cause, l’exposition directe aux rayonnements UV, auxquels la rétine est soumise. Avec le déclin des mitochondries, les cellules de la rétine se dégradent avec l’âge, ce qui participe au développement de différentes pathologies comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) et provoque une baisse de la fonction visuelle. « On sait que le fonctionnement des mitochondries est stimulé par la lumière à des longueurs d’onde entre 650 et 1000 nm. Ici une telle stimulation pourrait à la fois permettre aux cellules de disposer de plus d’énergie et d’être moins exposées au stress oxydant. Deux mécanismes qui protègent les cellules. Ceci est plausible, mais reste à démontrer dans cette situation précise. », précise le Dr Torriglia.

Cependant, les causes en jeu dans la diminution de la vision liée à l’âge sont multifactorielles et d’autres études restent indispensables pour mieux les comprendre. De larges essais cliniques seront également nécessaires avant d’espérer voir de telles technologies disponibles pour le grand public. « En attendant, il ne faut surtout pas essayer d’exposer seul chez soi ses yeux à de la lumière rouge. Même si pour le moment aucune phototoxicité rétinienne n’a été rapportée avec ces longueurs d’onde, les études ne sont pas encore assez complètes, de plus, l’exposition de la cornée et du cristallin situés devant la rétine peut être problématique », prévient la spécialiste.

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