Des implants cochléaires totalement invisibles
Le Pr. Philippe Lefèbvre, chef du département d’ORL du CHU de Liège en Belgique, a réalisé la pose du premier implant cochléaire totalement implantable. Depuis, 5 autres patients ont été opérés avec succès à Liège et à Munich. Pour le spécialiste, ces nouveaux dispositifs, désormais totalement invisibles, représentent une véritable « révolution ».
Implant cochléaire © Med-El
Une sorte de pastille noire, plate, fixée sur le crâne. C’est ainsi que se présentent actuellement les implants cochléaires. Développés dans les années 70 et constamment améliorés depuis, ils permettent aux sourds profonds de recouvrer l’audition. L’implantation est suivie d’un temps de rééducation orthophonique de plusieurs mois, pour apprendre aux patients à décrypter ces nouveaux sons. Si la perception de la musique et des sons complexes reste encore inaccessible à ces technologies, elles ont métamorphosé l’existence des patients, qui peuvent désormais communiquer aisément avec les normo-entendants.
Comme leur nom l’indique, ces appareils sont destinés aux personnes dont la cochlée, la partie de l’oreille interne qui transforme la stimulation auditive en impulsions électriques et les transmet par le nerf auditif jusqu’au cerveau, est défaillante. Ils se composent habituellement d’une partie implantée dans la cochlée (récepteur, électrodes pour stimuler le nerf auditif), et d’une partie externe, plus volumineuse (microphone, processeur qui capte, analyse et transmet le signal). Cette partie externe associe un contour d’oreille et une antenne qui forme une sorte de protubérance (comme une pastille) sur le crâne.
Six patients opérés avec succès pour recevoir l’implant invisible
Dans le cadre d’une étude clinique, les éléments internes et externes de l’implant ont été rassemblés en un seul dispositif pour être placés sous la peau. Un premier patient âgé de 25 ans s’est ainsi vu poser en septembre dernier dans le service d’ORL du CHU de Liège le premier « TICI » (Totally Implantable Cochlear Implant), un implant entièrement invisible mis au point par la société autrichienne Med-El. L’audio processeur, le microphone et l’alimentation sont placés sous la peau en un seul dispositif. Deux autres patients, l’un âgé d’une cinquantaine d’années, l’autre senior, ont également pu bénéficier d’un tel dispositif. Enfin 3 autres patients ont été opérés de la même manière à Munich dans le courant de l’hiver. Les 6 interventions ont été des succès. Les implants sont désormais activés, ils ont subi de très nombreux tests et réglages et les patients sont en cours de rééducation comme l’explique le Pr. Philippe Lefèbvre, chef du service ORL du CHU de Liège et auteur des trois premières implantations.
De multiples défis techniques à relever
Sur le plan technique de nombreux défis ont dû être relevés : augmenter la durée de vie de la batterie (en moyenne celle-ci a 10 à 15 heures d’autonomie), miniaturiser les éléments, compenser les différents artefacts pouvant parasiter le son, liés au fait que les micros sont sous la peau et non plus en prise directe… La batterie se recharge par contact direct entre l’antenne située sous la peau et le chargeur (par induction) et l’implant fonctionne pendant le sommeil. Les réglages se font en transférant l’information à un processeur à travers la peau. « Sur le plan chirurgical ce n’est pas tellement plus compliqué à poser qu’un implant standard » précise le Pr Lefèbvre. Il suffit en effet de tailler un peu plus profondément dans l’os pour insérer les différents éléments de la prothèse.
Quelques mois après cette première mondiale, le spécialiste est très optimiste : le dispositif semble être très bien toléré et performant.
Discret, pratique, et toujours disponible
Les avantages du TICI sont nombreux pour les patients : tout d’abord la discrétion. « Le premier patient opéré a le crâne totalement rasé et c’est à peine si on distingue un léger relief sous sa peau » fait remarquer le Pr. Lefèbvre. Autre atout : on peut faire du sport, se baigner, prendre sa douche, ou pratiquer n’importe quelle activité, sans risquer d’abîmer le dispositif, contrairement aux implants classiques, dont les parties externes doivent être protégées de la poussière, du sable ou de l’humidité. Il n’y a également plus de risque de perdre l’appareil en enlevant, par exemple, son casque de protection au ski.
Pour le Pr. Lefèbvre, ces nouveaux dispositifs constituent une étape majeure dans la correction auditive des surdités profondes. « Une fois que ces implants auront reçu un agrément, je pense que l’immense majorité des patients opteront pour ce type d’appareil. »
Reste à attendre l’autorisation de mise sur le marché. Pour l’heure, cette première étude de faisabilité a montré la pertinence du concept. Il faudra encore quelques années avant que les premiers TICI soient commercialisés.