Distanciation sociale et boom des téléconsultations
Depuis mi-mars, distanciation sociale oblige, le nombre de téléconsultations, par vidéo ou téléphone, a considérablement augmenté. Moins de 10 000 par semaine jusque début mars, 80 000 la semaine du 16 mars, près de 500 000 la semaine du 23 mars [1] puis « l’explosion » : 1 million de téléconsultations sont enregistrées par l’Assurance Maladie la semaine du 30 mars [2]. L’Observatoire de la santé visuelle et auditive revient sur cette croissance exponentielle.
©Maskot
La continuité des soins, un impératif de santé publique
Avec l’épidémie du Covid-19, certains Français inquiets ont renoncé à consulter pour d’autres problèmes de santé. En effet, le nombre de consultations a fortement baissé dès le début du confinement (-51 % chez les médecins spécialistes et -25% chez les médecins généralistes à la mi-avril) [3]. C’est pourquoi le ministère des Solidarités et de la Santé, L’Assurance Maladie et Santé Publique France ont lancé début mai une campagne de sensibilisation. Dans cette dernière, les trois instances rappellent qu’il est important de se soigner, de maintenir ses rendez-vous médicaux, malgré le contexte sanitaire actuel et invitent à recourir à la téléconsultation « à chaque fois que c’est possible ».
La téléconsultation permet en effet d’assurer une continuité des soins en toute sécurité, dans le respect des gestes barrières et surtout de la distanciation sociale. Le principe est simple, un patient peut consulter son médecin à distance, sans se déplacer à son cabinet. Ainsi les patients ne s’exposent pas au virus et ne participent pas non plus à sa propagation. Les patients contaminés par le Covid-19 sans hospitalisation requise peuvent aussi être diagnostiqués et suivis à distance.
Un assouplissement réglementaire
La croissance exponentielle de l’usage de la téléconsultation s’explique aussi par un assouplissement exceptionnel des règles encadrant la pratique. En effet, les pouvoirs publics ont mis en place plusieurs mesures dérogatoires pendant la période de l’épidémie du Covid-19 [4].
Le médecin peut par exemple recourir à la téléconsultation sans connaître préalablement le patient et en dérogeant aux règles du parcours de soins pour les patients infectés par le Covid-19 ou susceptibles de l’être. Il n’a pas besoin d’être équipé d’une solution de téléconsultation pour pouvoir en faire une. Un site ou une application sécurisée (type Skype ou WhatsApp) sur un ordinateur, une tablette ou un smartphone, équipé d’une caméra et connecté à Internet, suffit. Pour certains patients ne disposant pas d’équipement « visio », les téléconsultations peuvent même être réalisées par téléphone. Enfin, elles sont prises en charge à 100 % par l’Assurance Maladie jusqu’à la fin de l’urgence sanitaire.
Par ailleurs, ces dernières semaines, la téléconsultation a été ouverte à d’autres professionnels de santé que les médecins, à l’image des infirmiers, des sages-femmes, des ergothérapeutes et psychomotriciens, des masseurs kinésithérapeutes. Un arrêté du 25 mars autorise « la téléorthophonie », permettant aux orthophonistes de réaliser des séances à distance quand c’est opportun. De même, un arrêté du 18 mai permet aux orthoptistes de réaliser certains actes à distance pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, prolongé jusqu’au 10 juillet, comme les séances de suivi pour la rééducation d’une déficience visuelle.
Un écosystème proactif
Les fournisseurs de solution en télémédecine, parallèlement, multiplient les initiatives pour attirer les professionnels de santé. Des entreprises, comme Doctolib ou QARE, proposent aux praticiens un accès gratuit aux téléconsultations pendant la durée de la crise. Des applications de « télésuivi » des patients atteints de coronavirus en quarantaine sont également lancées par différents acteurs, tels que l’APHP ou le CHU de Montpellier [5]. L’ophtalmologie n’est pas en reste puisque la Société Française de TéléOphtalmologie (SFTO) a mis en place, depuis la crise, une liste qui recense des ophtalmologistes proposant des téléconsultations. Chaque professionnel est invité à s’inscrire lui-même dans l’annuaire.
En outre, le Ministère de la Santé a mis en ligne une liste non exhaustive de solutions disponibles en télésanté pour aider les professionnels à s’équiper. Au 15 mai, 188 solutions numériques étaient recensées.
En résumé, La nécessité de poursuivre les soins, l’assouplissement de la réglementation et les initiatives nombreuses des acteurs de l’écosystème ont participé conjointement au développement de la télémédecine ces dernières semaines. S’il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que la pratique se généralisera une fois la crise finie, un changement des usages est en cours tant du côté des professionnels que du côté des patients. Une étude Doctolib auprès de ses utilisateurs en date du 23 avril 2020 montre que 74 % des médecins et 80 % des patients pensent continuer à utiliser la téléconsultation après l’épidémie.
[1] Assurance Maladie, communiqué de Presse du 31 mars 2020. https://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/20200331_-CP_Teleconsultations_Covid_19.pdf
[2] « L’Assurance maladie adapte ses services durant la crise mais ne pérennisera pas tout après », Hospimedia, 15/04/20. https://www.hospimedia.fr/actualite/articles/20200415-protection-sociale-l-assurance-maladie-adapte-ses-services
[3] Ministères des Solidarités et de la Santé, L’Assurance Maladie, Santé Publique France, communiqué de Presse du 7 mai 2020. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/communique_de_presse_-_covid-19_et_continuite_des_soins.pdf
[4] « Covid-19 : mesures dérogatoires de prise en charge en ville », Assurance Maladie. https://www.ameli.fr/hauts-de-seine/medecin/actualites/covid-19-mesures-derogatoires-de-prise-en-charge-en-ville
[5] « Télésuivi des patients en quarantaine : l’APHP lance son application », 16/03/20, TICSANTE.