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Intelligence artificielle et ORL, les liaisons prometteuses

Depuis plusieurs années maintenant, plus un congrès médical qui ne bruisse de ce terme : IA, pour intelligence artificielle. À juste titre, tant ce qu’elle apporte révolutionne le monde médical, aujourd’hui, et encore plus demain. Qu’en est-il en oto-rhino-laryngologie ? Éléments de réponse.

L'intelligence artificielle en ORL expliquée par l'Observatoire de la santé visuelle et auditive d'Audio 2000« Je propose de réfléchir à la question : les machines peuvent-elles penser ? », écrivait en 1950 Alan Turing. Le mathématicien britannique, en plus d’être brillant, était aussi visionnaire. Car l’accumulation de quantités considérables de données a engendré le « deep learning », ou apprentissage profond. Autrement dit, on donne énormément d’images à la machine, et surtout, on lui apprend à les interpréter : sur ce cliché, il n’y a pas de pathologie, sur celui-ci, il y a une tumeur, etc. Les machines apprennent de leurs erreurs, et s’améliorent jour après jour. Ce qui les rend très fortes pour interpréter des images. Et rendre des diagnostics plus rapides, plus précis, avec moins d’erreurs.

Une aide précieuse au diagnostic

ORL à Strabourg, le Dr Laurent Schmoll s’est lancé il y a quelques années dans l’aventure de l’intelligence artificielle. Il commence par breveter le Smart Scope, un objectif miniature qui fait le pont entre un smartphone et un endoscope. Puis il capture près de 100 000 photos de tympans, pour « nourrir » un logiciel d’IA. Enfin, il crée i-Nside. « Cette application est capable de poser un diagnostic (otite, perforation, bouchon…) à partir d’une simple photo, avec un taux d’erreurs très faible (moins de 2 %) », explique-t-il. « Une étude clinique est en cours, avec l’hôpital Necker, à Paris. L’objectif, à terme, est de donner cette application à des infirmiers, dans des pays qui manquent de médecins. » Avant d’en arriver là, reste un obstacle de taille à dépasser : l’obtention de certifications, très coûteuses.

L’IA, assistante des radiologues

S’il existe un métier qui exige le sens du détail, c’est bien celui de radiologue. Il faut en effet avoir un œil très aiguisé pour repérer une anomalie, et éviter les erreurs. L’IA est indéniablement un avantage pour atteindre cet objectif. « En ORL, ces algorithmes pourront par exemple analyser des scanners des sinus de la face. De manière générale, ils assisteront les médecins dans des diagnostics compliqués », prédit le Dr Schmoll. En analysant à toute vitesse des masses considérables de données, l’IA permettra ainsi de faire gagner du temps aux médecins, pour qu’ils se consacrent à des taches plus complexes, ou qu’ils en profitent pour passer plus de temps avec leurs patients. OTO a par exemple développé un algorithme permettant de détecter l’otospongiose -une maladie des os de l’oreille pouvant entraîner la surdité- en quelques secondes. La société française a un autre projet en cours d’évaluation : un algorithme capable de détecter les ganglions pathologiques du cou.

Des appareils auditifs aux banques de voix, un potentiel énorme

Les potentielles applications de l’intelligence artificielle en ORL font penser à un inventaire à la Prévert. « Les appareils auditifs ont ainsi de plus en plus d’IA embarquée », donne en exemple le Dr Schmoll. « Cela leur permet d’apprendre des préférences de l’utilisateur, pour mieux s’y adapter. Les traitements seront aussi toujours plus personnalisés, grâce à l’IA, qui regardera dans le détail les antécédents du patient, ses contre-indications… pour trouver les médicaments les plus pertinents pour lui. » Prêter sa voix pour faire avancer le monde médical, l’idée peut paraître saugrenue. Elle est pourtant très sérieuse. « Dans un futur proche, des logiciels pourraient exploiter des banques de voix pour détecter de nombreuses pathologies », espère le Dr Schmoll. C’est ainsi que des chercheurs travaillent actuellement à identifier des signatures vocales caractéristiques de certaines maladies. Ces biomarqueurs vocaux permettraient de poser plus rapidement un diagnostic. Car la voix peut tout à fait renseigner sur l’état de santé d’un individu. Nom de ce projet, piloté par le Luxembourg Institute of Health : Colive Voice.

Un patient, un cancer, un vaccin, la promesse de l’IA

Autre projet extrêmement ambitieux, celui mené par l’IUCT-Oncopole de Toulouse en collaboration avec la biotech Transgene. Des chercheurs sont en train de développer un vaccin personnalisé, sur mesure, pour diminuer les risques de récidive de certains cancers, notamment ORL (cancers de la tête et du cou). Des algorithmes d’IA sont utilisés pour prédire, après séquençage de la tumeur d’un patient, les néo-antigènes -protéines mutées de la tumeur- qui doivent être intégrés dans le génome du vecteur viral. Injecté au patient, ce vecteur viral va susciter une forte réaction du système immunitaire, ce qui permet de lutter plus efficacement contre la tumeur. Les néo-antigènes sont différents d’un patient à l’autre. Or, des algorithmes d’IA peuvent permettre de trouver ces néo-antigènes. Et donc, éviter une récidive. Ce qui équivaut, pour l’homme, à trouver une aiguille dans une botte de foin, devient (presque) un jeu d’enfant pour la machine. Un essai de phase I est en cours, et les premiers résultats sont très encourageants.

Des robots complètement autonomes au bloc opératoire ?

L’IA fascine autant qu’elle fait peur. Pourtant, si elle sera très probablement une aide formidable pour des diagnostics toujours plus justes, il n’est pas question qu’elle remplace les médecins. Aujourd’hui et pour encore très longtemps, les machines ne feront rien sans qu’un homme ne leur en donne l’ordre. Elles n’auront ni l’empathie ni l’intuition des êtres faits de chair et de sang. Mais les algorithmes seront assurément de super assistants, ce qui est déjà très bien… Et un robot pourra-t-il, d’ici quelques années, opérer seul des patients ? Pour le Dr Schmoll, cela reste du domaine de la science-fiction. « Il faudrait pour cela que le logiciel enregistre des milliers d’opérations, que les machines apprennent les gestes et les aléas chirurgicaux et enfin que pour chaque type d’intervention elles obtiennent une certification. Cela ne pourra se faire avant plusieurs dizaines d’années. » Aujourd’hui et pour encore longtemps, si l’IA va devenir un outil de plus en plus indispensable, les médecins auront le dernier mot.

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