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Les organoïdes, ces organes miniatures accélérateurs de recherche

Créer une réplique miniature de l’oreille interne, pour mieux la soigner n’est pas de la science-fiction, mais l’idée enthousiasmante, et très sérieuse, de nombreux chercheurs à travers le monde dont Azel Zine. Le professeur en neurosciences à l’université de Montpellier imagine le futur dans le laboratoire de bioingénierie et nanosciences dont il est directeur adjoint. Détails.

organoïde de rein

Vue en coupe d’un organoïde de rein, réalisé par l’Institut Utrecht, selon des travaux publiés en mars 2019. ©Anne Rios (princess maxima center)

Qu’est-ce qu’un organoïde ? Si la plupart des gens l’ignorent aujourd’hui, la connaissance du grand public à ce sujet va forcément s’étoffer dans les prochaines années. Une certitude, tant ces organes en miniature devraient aider à trouver de nouveaux traitements, dans bien des domaines de la médecine. A travers le monde, les chercheurs savent aujourd’hui fabriquer des organoïdes de cerveau (même s’il ne s’agit que d’une ébauche de cet organe éminemment complexe), de foie, de cœur, de pancréas, de peau, de côlon ou de poumon. Les chercheurs peuvent même répliquer des mini tumeurs, pour tester sur elles des nouveaux traitements. Le potentiel est énorme pour la recherche, et depuis quelques années, les études utilisant ces organoïdes se multiplient. Essayer, échouer, recommencer, échouer encore, jusqu’au fameux Eurêka ! Depuis que ces mini organes peuvent être cultivés en laboratoire, en à peine quelques semaines, les chercheurs ont la possibilité d’explorer l’effet de molécules, distinguer celles qui sont efficaces de celles qui risquent de nuire, et d’étudier des maladies.

 

Des copies imparfaites

« oïde » signifie « qui ressemble à ». Un organoïde est donc la réplique -en miniature- d’un véritable organe. Alors que les cultures cellulaires traditionnelles s’étalaient en 2D, comme un tapis, les organoïdes sont des constructions en trois dimensions, composés des différents types de cellules de l’organe qu’ils miment. Mais attention, les blouses blanches ne peuvent pas encore reproduire des copies conformes. Ces versions simplifiées, de quelques millimètres ou quelques centimètres, sont imparfaites. Même si en mimant l’architecture et le fonctionnement de l’organe entier, elles peuvent rendre bien des services. Par ailleurs, à la différence d’un organe, un organoïde n’est relié à rien, il n’est ni vascularisé, ni innervé. Dans son laboratoire, le Pr Azel Zine fabrique une sorte d’oreille interne en miniature. « Notre but avec ces organoïdes est de tester des candidats-médicaments avec un potentiel de protection ou de régénération des cellules ciliées humaines de l’oreille interne », explique-t-il. « Car l’oreille interne est bien cachée, inaccessible dans l’os temporal. « A tel point qu’il est quasiment impossible de faire des biopsies à cet endroit-là. » Pour pallier ce manque, « les chercheurs travaillent actuellement sur des souris. »

Un Graal, réparer les cellules ciliées abîmées

Les cellules ciliées sont d’une grande fragilité et absolument indispensables pour la transmission des sons vers les neurones auditifs, qui vont ensuite les véhiculer jusqu’au cerveau. Quand les cellules ciliées de l’oreille interne sont abîmées, l’audition se dégrade. « Aujourd’hui, c’est irréversible. Une fois que ces cellules sont lésées, il n’y a pas de traitement, on ne peut rien faire. Notre organisme, tout comme celui des mammifères, est incapable de régénérer ces cellules. » Cette dégénérescence des cellules ciliées auditives est par exemple provoquée « par l’écoute répétée de sons forts, les médicaments ototoxiques comme certains antibiotiques, les infections, ou bien, tout simplement, l’âge. » Une étude réalisée en 2022, montre qu’en France, 25% des adultes sont touchés par une forme de déficience auditive. C’est dire l’espoir de trouver un traitement permettant de réparer ou de régénérer ces cellules ciliées. « Ces organoïdes nous permettront de gagner beaucoup de temps », se réjouit le Pr Zine. « Passer du modèle murin -les souris, à un modèle humain, permettra d’accélérer le processus de tests de candidats-médicaments. » Des candidats-médicaments visant soit à protéger, soit à régénérer les cellules sensorielles de l’oreille interne.

Fabrique à organoïdes

La matière première d’un organoïde, ce sont les cellules souches. Pour faire pousser leurs organoïdes, le Pr Azel Zine et son équipe ont choisi de cultiver des cellules souches pluripotentes induites (IPS). Cela signifie que des cellules -de peau par exemple- ont été prélevées chez un adulte, avant d’être reprogrammées génétiquement pour les rendre pluripotentes, c’est-à-dire capables de se différencier dans tous les types de cellules qui composent un organisme adulte, comme les cellules souches embryonnaires. « Les cellules IPS permettent de travailler dans un cadre législatif moins contraignant que celui des cellules souches embryonnaires, dont la recherche est très encadrée en France. » Ces cellules IPS sont mises dans des boîtes en plastique, avec des molécules stimulant la différenciation des cellules, où elles se multiplient à l’infini. « Nous les poussons à proliférer, et à se différencier sur des hydrogels comme biomatériaux en cellules de l’oreille interne. Nous essayons de reproduire in vitro ce qui se passe lors du stade embryonnaire, lors du développement de l’oreille humaine. » Quatre à huit semaines plus tard, l’organoïde en trois dimensions est prêt, et les chercheurs peuvent alors tester sur lui leurs molécules. Voilà pour ce que les blouses blanches savent déjà faire aujourd’hui. Et demain ? Pourquoi ne pas greffer des cellules ciliées de l’oreille interne provenant de ces organoïdes ? L’espoir est permis. Une chose est sûre, cette technique n’a pas fini de faire parler d’elle…

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