Mieux entendre avec les doigts
Une équipe internationale a mis au point un dispositif multisensoriel qui transforme les sons en informations tactiles, délivrées sur les doigts. De quoi améliorer la compréhension de la parole pour les personnes porteuses d’un implant cochléaire et faciliter l’apprentissage des langues étrangères, promettent les chercheurs.
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« Malgré les progrès récents des aides auditives et des implants cochléaires[1] (…), les personnes malentendantes rencontrent encore des difficultés pratiques et sociales importantes, qu’elles soient appareillées ou pas », rappelle dans un communiqué le Professeur Amir Amedi de l’Université hébraïque de Jérusalem (Israël), qui travaille sur ce projet. « Ils doivent lutter en particulier pour comprendre une conversation dans un environnement bruyant et notamment quand quelqu’un d’autre parle aussi » détaille-t-il. Or, ces freins sont en partie levés grâce à un nouveau dispositif multisensoriel, qui transforme les sons en informations tactiles et permet de mieux discerner la parole dans le bruit ambiant. C’est la première fois qu’on démontre qu’un tel dispositif, simple, peu coûteux et non-invasif, peut améliorer la compréhension des personnes porteuses d’un implant cochléaire. Ce dispositif a fait l’objet d’une étude qui vient d’être publiée dans la revue Restorative Neurology and Neuroscience.
Exploiter les capacités multisensorielles du cerveau
Comment est-il venu à l’esprit du Pr Amir Amedi et de son équipe d’améliorer l’audition grâce au toucher, autrement dit, qu’il était possible d’entendre avec les doigts ? Les chercheurs ont décidé d’exploiter les capacités cérébrales à percevoir et intégrer des informations provenant simultanément des différents sens.
Ils ont ainsi élaboré un dispositif capable de transformer les signaux vocaux à basse fréquence en vibrations tactiles, ressenties sur deux doigts. Puis, ils ont demandé à des volontaires non-anglophones de répéter des séries de phrases en anglais. Difficulté supplémentaire : ces phrases étaient énoncées dans un environnement bruyant avec d’autres paroles qui brouillaient la compréhension. Une situation similaire à ce qui est vécu au quotidien par les personnes malentendantes appareillées. Résultats : l’exercice était bien mieux réussi lorsque les participants avaient des informations qui leur parvenaient simultanément au bout des doigts.
Plus besoin d’entraînement cognitif
Les chercheurs ont évalué l’amélioration de la compréhension de la parole équivalent à une hausse de 6 décibels (dB), sachant qu’un seuil d’amélioration de 10 dB double le volume sonore perçu. Atteindre le seuil de 10 dB est d’ailleurs le prochain objectif de l’équipe.
Ce travail de « preuve de concept » est déjà accueilli avec enthousiasme, à l’instar du rédacteur en chef de Restorative Neurology and Neuroscience, Bernard Sabel, qui a commenté : « cette étude constitue une étape majeure pour faire de la plasticité multisensorielle du cerveau un paradigme novateur afin d’augmenter le potentiel des patients à compenser leur perte sensorielle ».
D’après les chercheurs, ce qui est particulièrement remarquable avec ce nouveau dispositif, c’est sa facilité d’utilisation, qui permet de s’en servir sans entraînement. Jusque-là, ce type de dispositif avait toujours nécessité un entrainement cognitif poussé pour pouvoir observer des résultats satisfaisants. Les personnes normo-entendantes pourraient également utiliser ce système pour faciliter leur apprentissage d’une langue étrangère.
[1] Les implants cochléaires sont des dispositifs médicaux destinés à certaines personnes sourdes, leur permettant de retrouver une sensibilité sonore, grâce à la conversion des sons en signaux électriques stimulant directement leur nerf auditif.