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Neuropathies optiques héréditaires : l'espoir des thérapies géniques

Depuis 3 ans, la chercheuse Cécile Delettre et son équipe mènent à l’Institut des neurosciences de Montpellier des essais de thérapie génique dans le cadre du syndrome de Wolfram, une neuropathie optique héréditaire affectant la vision et, parfois, l’audition. Les premiers essais de thérapie génique chez l’homme devraient voir le jour en 2019.

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Une maladie sévère qui évolue rapidement

Le syndrome de Wolfram est une neuropathie optique héréditaire rare qui touche une personne sur 200 000. Il se caractérise par divers symptômes, dont une atrophie optique et un diabète sucré de type 1, et/ou une déficience auditive associée. C’est une maladie sévère : les enfants présentent des troubles de la vision à 10 ans et la plupart auront perdu la vue lorsqu’ils atteindront leur vingtième année. La surdité concerne quant à elle 60 % des patients. L’évolution de la maladie aboutit à un décès prématuré, souvent secondaire à une insuffisance respiratoire.

Cette neuropathie optique est à transmission autosomique récessive (la maladie se transmet par les deux parents, tous deux porteurs sains dans la majorité des cas). Elle est liée au gène WFS1, codant la Wolframine. Cette protéine est localisée dans le réticulum endoplasmique et joue un rôle dans l’homéostasie calcique et la régulation de la réponse UPR (Unfolded Protein Response). « Nous avons choisi de mener des essais de thérapie génique sur le syndrome de Wolfram car il s’agit d’une maladie sévère, qui évolue rapidement, ce qui n’est pas le cas des autres neuropathies optiques dominantes, dont les symptômes sont très variables d’un patient à l’autre », précise Cécile Delettre, chercheuse à l’institut des neurosciences de Montpellier (Inserm). « De plus, la maladie est due à une perte de fonction de la protéine Wolframine, donc l’ajout de la protéine par thérapie génique peut restaurer ce manque. Enfin, le gène WFS1 est également responsable de surdités et d’atrophies optiques isolées. »

Une thérapie génique prometteuse

Cécile Delettre et son équipe ont démarré leurs recherches il y a 3 ans avec des souris mutantes WFS1. L’objectif était d’observer la dégradation de l’audition et de la vision chez ces animaux. Ils ont ainsi constaté que l’acuité visuelle des souris se dégradait pour atteindre une diminution de 30 à 40 % à 7 mois. En outre, ils ont observé une atteinte du nerf optique avec des anomalies de la myéline des axones.

Portrait de Cécile Delettre

Cécile Delettre

À l’issue de cette période d’observation, les essais de thérapie génique ont démarré. La thérapie génique consiste à injecter dans un organisme un virus qui contient un gène médicament dont l’objectif est de réexprimer le gène sauvage pour contrecarrer l’effet du gène muté. « La thérapie génique est un outil performant pour traiter de nombreuses maladies de la rétine et du nerf optique en raison de la facilité d’accès de cette région. Les injections ont lieu en intra-vitréen », ajoute la chercheuse. « De plus, l’œil étant un organe clos et peu immuno-réactif, l’injection de vecteurs thérapeutiques semble induire peu de risque pour le reste du corps ; les autres organes sont donc protégés. »

Les chercheurs ont choisi comme vecteur un adénovirus-associé (AAV2/2), dont l’efficacité pour transduire [1] les cellules ganglionnaires de la rétine a été démontrée. Ils ont observé que l’injection d’un AAV2 exprimant WFS1 entraînait une stabilisation de l’acuité visuelle des souris mutantes jusqu’à 6 mois après l’injection, et une diminution des dommages des axones du nerf optique.

Des résultats très attendus

Début 2017, de nouveaux essais de thérapie génique ont démarré avec un vecteur plus concentré que lors des premiers essais. « Nous avons émis l’hypothèse que si l’on avait recours à un virus plus concentré, exprimant le gène WFS1, nous obtiendrions une amélioration de la vision supérieure à celle obtenue lors de la première étude », ajoute Cécile Delettre. Ce nouvel essai est réalisé avec un vecteur 10 fois plus concentré, ce qui entraîne une meilleure expression du gène, donc une production accrue de protéines et logiquement une meilleure récupération visuelle. Les chercheurs analysent actuellement les premiers résultats. Cette analyse se poursuivra jusqu’à l’automne prochain.

Cette preuve de principe ouvrira la voie vers des analyses toxicologiques chez la souris et les primates non humains pour envisager un transfert clinique. Ces études devraient durer une année. L’étape suivante sera la production du virus qui sera utilisé chez les humains. Si tout se déroule comme prévu, les premiers essais cliniques chez l’humain pourraient démarrer en 2019. « Nous sommes la première équipe dans le monde à travailler sur la thérapie génique dans le cadre du syndrome de Wolfram. Les résultats que nous obtiendrons devraient nous permettre d’ouvrir de nouvelles perspectives pour traiter d’autres pathologies affectant le nerf optique », conclut Cécile Delettre.

L’association du Syndrome de Wolfram
Cette association, créée en 2008 par deux mères de famille, s’est donné pour missions de dynamiser la recherche thérapeutique, de contribuer à l’amélioration de la prise en charge médicale et d’accompagner les familles touchées par la maladie. Elle soutient les travaux de l’équipe de Cécile Delettre.
Pour en savoir plus : www.association-du-syndrome-de-wolfram.org

[1] La transduction est la capacité d’un virus à modifier l’activité des cellules dans lesquelles il se loge.

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