Premiers succès de thérapie génique contre les maladies neurodégénératives touchant la vision
Le Docteur Catherine Vignal, de la Fondation Rothschild, et la société Gensight, ont annoncé le 8 juin dernier des résultats encourageants des essais de phase I/II de leur thérapie génique au GS010 chez des patients atteints de la neuropathie optique héréditaire de Leber (NOHL). Un pas de plus qui confirme l’utilité de la thérapie génique pour soigner les maladies ophtalmologiques.
© GenSight
Les essais cliniques de phase I/II sont encourageants : le traitement par la thérapie génique GS010 (GenSight) de la neuropathie optique héréditaire de Leber (NOHL) chez 15 patients présente un bon profil de tolérance et de sécurité. Il montre aussi des effets encourageants pour les patients diagnostiqués depuis moins de deux ans, avec un gain d’acuité visuelle de + 17 lettres dans l’œil traité par rapport à l’œil contrôle, 48 semaines après l’injection du transgène.
La NOHL, maladie rare des cellules ganglionnaires du nerf optique, d’origine mitochondriale, qui touche chaque année en Europe et aux États-Unis 1 500 nouveaux patients, adolescents et jeunes adultes, mène à la cécité en moins d’un an.
Aucun traitement n’existe pour le moment ; beaucoup d’espoirs sont donc placés dans les essais de thérapie génique. Il ne s’agit d’ailleurs pas de la première pathologie ophtalmologique que les chercheurs tentent de combattre par cette approche. Des résultats très positifs ont déjà été obtenus contre l’amaurose de Leber, la choroïdérémie et la maladie de Stargardt. « Ceci confirme que l’œil est une bonne cible pour la thérapie génique. Il s’agit d’un milieu clos, qui présente une barrière avec le reste de l’organisme et pour lequel il est aisé de cibler une localisation précise », estime le Dr Catherine Vignal, de la fondation Rothschild, investigateur de l’essai clinique pour le GS010. « Une petite différence tout de même dans notre approche par rapport aux essais précédents : nous visons le nerf optique, plus précisément les cellules ganglionnaires, et non la rétine ».
Cibler la mitochondrie, le « poumon » de la cellule
La mutation ND4 (NADH déshydrogénase), qui est à l’origine de 60 à 70 % des cas de NOHL, est ciblée dans cet essai, grâce au gène-médicament GS010 introduit dans les cellules par un vecteur AAV (adeno-associated virus). Ce gène-médicament est administré en une seule fois par injection intra-vitréenne. Avec cette copie non altérée du gène défectueux, une protéine fonctionnelle peut être produite et la fonction mitochondriale déficiente des cellules est ainsi restaurée. « Une injection permet de redémarrer la chaîne respiratoire de ces cellules qui faisait défaut, surtout si l’on traite précocement, lorsque le nerf optique n’a pas encore eu le temps de s’abîmer. On peut espérer des récupérations en termes de couleurs et de contraste », se félicite le Dr Vignal. C’est le cas du patient dit « M. Arthur », qui a pu bénéficier de cet essai. « Alors que j’avais perdu la vue des deux yeux en quelques mois, un mois après le début du traitement, je vois 14 lettres du côté traité contre 6 lettres pour l’autre œil non traité et j’ai retrouvé la nuance des couleurs », témoigne-t-il.
Viser les patients diagnostiqués récemment
Les essais de phase III, qui doivent évaluer l’efficacité de la thérapie, ont démarré depuis 3 mois, sur des patients diagnostiqués depuis moins de 1 an, qui sont les plus susceptibles de bénéficier du traitement. Deux essais ont été mis en place, l’étude RESCUE pour des patients diagnostiqués depuis moins de 6 mois et l’étude REVERSE, pour ceux dont le suivi est réalisé depuis 6 mois à un an. Plusieurs centres aux USA et en Europe, dont l’hôpital des Quinze-Vingts, sous la direction du Dr Vignal, sont impliqués dans l’essai. Les premiers résultats de ces études sont attendus fin 2017, pour des traitements possiblement proposés dès 2018. « Un suivi à cinq ans sera cependant nécessaire », rappelle le Dr Vignal.
Ces bons résultats permettent d’envisager d’appliquer ce modèle à d’autres mutations impliquées dans la NOHL mais aussi à d’autres pathologies, pas nécessairement ophtalmologiques, comme la maladie de Parkinson. La société GenSight développe en parallèle une autre approche de thérapie génique, actuellement au stade pré-clinique : l’optogénétique, pour les rétinopathies pigmentaires et la DMLA. L’idée est d’administrer dans les cellules ganglionnaires un gène médicament, codant cette fois pour une protéine photosensible, puis d’activer cette protéine à l’aide d’un dispositif placé dans des lunettes. Avantage majeur de cette approche nouvelle : elle ne dépend pas des gènes à l’origine de la pathologie et pourrait donc s’appliquer à l’ensemble des patients atteints.