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Recevoir un greffon de cornée bio-artificielle

Recréer des tissus à partir de cellules souches permettrait de réparer des organes défaillants. Cette ingénierie tissulaire se heurte néanmoins à de nombreuses difficultés et la fabrication ex nihilo d’organes complexes, innervés et vascularisés n’est pas pour demain. Mais pour des tissus plus simples comme la cornée, la recherche avance à pas de géant. Une équipe australienne est notamment parvenue à créer un film artificiel recouvert de cellules souches qui, greffé dans l’œil, se révèle capable de régénérer une cornée déficiente.

Cornée d'un œil

© AlexAndrews

De l’allogreffe (donneur et receveur différents)…

Un peu plus de 4 000 greffes de cornée sont réalisées chaque année en France. Ces greffes sont proposées à des patients qui, suite à une maladie congénitale, une infection ou un traumatisme oculaire (choc, brûlure), ont vu leur cornée s’opacifier. Cette membrane, formée de trois couches (épithélium, stroma et couche endothéliale), constitue la principale lentille de l’œil. Un tiers de la puissance de l’œil est due au cristallin, et les deux tiers restants à la cornée. Pour que la vision soit de qualité, la cornée doit être transparente et sans anomalie de structure. Mais le vieillissement, les maladies ou les accidents sont susceptibles d’altérer la cornée et provoquer une perte de vision pouvant aller jusqu’à la cécité. Selon l’OMS, les affections cornéennes représentent la quatrième cause mondiale de cécité, avec 10 millions de personnes touchées. En France, les troubles cornéens représentent 20 % des cécités acquises.

Jusqu’à maintenant, la greffe avec donneur restait la seule solution thérapeutique. Les résultats des transplantations cornéennes sont en général excellents. Mais cette technique se heurte à deux problèmes. D’une part le manque de greffons (seuls 63 % des patients inscrits en liste d’attente ont pu être greffés en 2012), d’autre part, le risque de rejet du greffon. Un risque qui reste heureusement modéré car la cornée est un tissu peu vascularisé et peu immunogène.

À l’autogreffe (donneur et receveur sont la même personne)

Depuis une décennie, des équipes du monde entier s’attellent à créer des cornées ou des tissus cornéens en vue de régénérer de manière naturelle une cornée altérée. Dernière innovation en date, la création d’un film hydrogel, recouvert de cellules souches, qui aide la cornée malade à se restaurer. Cette prouesse scientifique, réalisée par une équipe australienne de l’université de Melbourne et du Center for Eye Research, se déroule en trois étapes. Dans un premier temps, les chercheurs prélèvent des cellules souches dans la cornée qu’ils doivent traiter puis ils les cultivent en laboratoire. La seconde étape réside dans la création d’un film hydrogel ultramince (moins de 50 microns, soit plus fin qu’un cheveu humain). Les cellules souches sont ensuite incorporées au film synthétique.

Enfin, cette cornée bio-artificielle est implantée dans l’œil du patient. Elle est insérée sur la face intérieure de la cornée malade via une petite incision. Le film hydrogel protecteur se dissout naturellement en deux mois, tandis que la couche de cellules souches restaure l’activité de la cornée. Cette greffe restaure notamment une fonction essentielle de l’organe, qui consiste à pomper l’eau en excès du stroma afin que ce dernier ait une humidification constante. Si cette régulation de l’humidification du stroma n’est plus réalisée correctement, la cornée se détériore, elle gonfle et se déforme, et la transmission de la lumière au travers de la membrane est altérée.

L’équipe australienne, dirigée par le Docteur Berkey Ozcelik, en est pour le moment au stade de l’expérimentation animale mais les premiers essais sont très concluants : la cornée malade retrouve sa transparence et l’œil aveugle redevient fonctionnel. Parmi les avantages de cette méthode : l’utilisation de cellules provenant du malade lui-même (autogreffe) permet d’éviter les rejets. Mais la méthode pourrait aussi être réalisée avec des cellules souches issues de donneurs et augmenterait considérablement le nombre de « cornées » disponibles pour la greffe.

Pour en savoir plus : http://unimelb.technologypublisher.com/tech/PEG_Hydrogel_Films_for_Transplantation_of_Corneal_Endothelium_for_Improved_Restoration_of_Sight

Ces dernières années, d’autres équipes ont également fait avancer de façon majeure les alternatives à l’allogreffe de cornée. Au Canada, une collaboration du CHU de Québec et de l’Université Laval a permis de reconstituer de l’épithélium cornéen à partir de cellules souches (CECA : culture d’épithélium cornéen autologue). Chez des patients dont un œil était malade et l’autre sain, les chercheurs ont prélevé dans l’œil sain des cellules souches, ont mis en culture ces cellules pour obtenir un nouvel épithélium (couche supérieure de la cornée) et l’ont ensuite greffé sur l’œil malade. Les résultats sont très encourageants : les cellules cultivées en laboratoire ont reformé un épithélium cornéen stable qui se renouvelle après la greffe. Cette première mondiale est le fruit de 15 ans de recherches.

 

En France, le biologiste Daniel Aberdam et son équipe Inserm de l’hôpital Saint-Louis ont consacré près de 10 ans à déprogrammer des cellules de cheveu puis à les reprogrammer pour qu’elles deviennent des cellules souches de cornée. Le laboratoire Inserm « Bio-ingénierie tissulaire » travaille à l’impression 3D de tissus vivants. Fabien Guillemot, qui dirige cette équipe de recherche à Bordeaux estime pouvoir fabriquer des greffons de cornée d’ici 7 à 10 ans.

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