Somnibruit, au service de vos nuits
Pour bien dormir, le silence est d’or. Or, dans les grandes villes, il n’est pas toujours facile d’atteindre cet idéal. Parce qu’on ne combat bien que ce que l’on connaît parfaitement, Somnibruit a décidé de dresser un état des lieux de l’impact du bruit nocturne sur le sommeil. Ce projet est l’un des quatre lauréats du Health Data Hub et du Green Data for Health. Les explications de Fanny Mietlicki, directrice de Bruitparif.
Chercheurs et médecins s’accordent à dire que le premier don du sommeil, c’est de nous permettre de vivre plus longtemps en bonne santé. Car cet état physiologique rend plus efficace le système immunitaire, protège des maladies neurodégénératives, peut aider à ne pas prendre de poids, stabilise l’humeur, consolide la mémoire… entre autres bénéfices rendus. Bruitparif l’a bien compris, et depuis longtemps. « En tant qu’Observatoire du bruit en Ile de France, nous nous intéressons particulièrement aux impacts du bruit sur le sommeil, essentiel pour notre santé », rappelle Fanny Mietlicki.
Quatre lauréats
En octobre 2022, le Green Data for health (GD4H), espace commun de données environnementales au service de la recherche et de l’expertise en santé-environnement, et le Health Data Hub (HDH), groupement d’intérêt public visant à garantir un accès aisé et unifié, transparent et sécurisé aux données de santé, s’unissaient pour lancer un appel à projets. Leur objectif ? Exploiter encore plus, encore mieux, les bases de données environnementales et de santé au service d’une noble cause : la recherche et l’innovation en santé environnement. 22 projets ont été déposés. Le 9 mars 2023, l’heure était venue d’annoncer les 4 lauréats, dont le projet Somnibruit. « Les quatre innovations récompensées contribuent à une meilleure compréhension des liens entre l’environnement et la santé », rappelait, à cette occasion, Grégory Emery, directeur général adjoint de la Santé. « Le partage de données est un élément-clé pour la recherche et l’innovation en santé, qui permet d’éclairer les décisions politiques et naturellement, d’améliorer la santé de la population. »
Une aide humaine et financière
« Nous allons bénéficier d’une aide financière et d’un accompagnement humain pour la réalisation de notre projet, pendant dix-huit mois », se réjouit Fanny Mietlicki. Somnibruit est un projet collectif, porté par Bruitparif, l’Observatoire régional de santé publique (ORS) Ile de France, et le Centre du sommeil et de la vigilance de l’hôtel Dieu. L’objectif est de mieux connaître les effets du bruit environnemental sur le sommeil. Dans cette optique, pas moins de 10 millions de Franciliens seront inclus dans cette étude.
« Nous allons mettre en relation les données de consommation de médicaments prescrits pour les troubles du sommeil avec les statistiques d’exposition au bruit nocturne, entre 22h et 6h. Bien sûr, le bruit n’est pas la seule cause de troubles du sommeil. Mais si nous observons sur certaines zones, particulièrement bruyantes pendant la nuit, une surconsommation de somnifères, cela pourra indiquer que le bruit y joue bien un rôle néfaste. » « L’été, la nuit, les bruits sont en fête », disait Edgar Allan Poe. Les habitants de Paris seraient sans doute nombreux à confirmer ces dires… sans s’en réjouir pour autant. Les terrasses estivales, de plus en plus nombreuses et volumineuses l’été, provoquent la colère de nombreux riverains, las de sacrifier une partie de leur sommeil sur l’autel de ces nuisances sonores. « Le bruit issu de ces activités récréatives sera pris en compte, au même titre que celui généré par les transports (voitures, camions, trains, et avions). » selon Fanny Mietlicki.
Le bruit, plus dangereux qu’il n’y paraît
Ne jamais se fier aux apparences. Le bruit est-il inoffensif, ou tout au plus responsable de quelques insomnies ? Ce n’est pas l’avis de l’OMS ! Bien au contraire, l’Organisation mondiale de la santé affirme que le bruit, parmi les facteurs de risque environnementaux, est la deuxième cause de morbidité en Europe, après la pollution atmosphérique. « Le bruit agit comme un facteur de stress, entraînant une augmentation de la production d’hormones du stress, comme le cortisol, mais aussi une élévation du rythme cardiaque ou de la pression artérielle. Ce qui explique qu’à terme, il puisse perturber le système cardiovasculaire », insiste Fanny Mietlicki. À cause du bruit, le sommeil est plus fragmenté, plus court aussi, avec un temps d’endormissement plus long, et des micro-éveils nocturnes plus fréquents. Même après plusieurs années, l’organisme ne s’habitue jamais au bruit la nuit. Le sommeil est, logiquement, moins récupérateur. Cela peut entraîner de la somnolence, des difficultés de concentration, une irritabilité, de l’anxiété, voire, à plus long terme, une dépression. « Quand on dort mal, à cause notamment du bruit, on risque aussi d’avoir plus d’accidents de la route, à cause de la fatigue. Et l’Agence européenne pour l’environnement pense que le sujet du bruit risque de devenir de plus en plus préoccupant dans les années à venir. De fait, le réchauffement climatique, par exemple, va pousser les citoyens à occuper de plus en plus les espaces extérieurs, les terrasses, pour se rafraîchir. Cela va forcément créer des problématiques liées au bruit. »
Et demain ?
« Idem pour les drones et les taxis volants qui pourraient, d’ici quelques années, investir notre espace aérien, et créer de nouvelles nuisances sonores. Tout laisse à croire que ce sujet va prendre de l’ampleur. D’autant plus que depuis le Covid-19, les gens ont fait l’expérience d’une ville calme. À la sortie des confinements, on a pu noter une sensibilité au bruit exacerbée de certaines personnes. Nous espérons que les pouvoirs publics se saisiront de notre étude, pour passer à l’action. Notre projet est aussi un moyen de sensibiliser les citoyens. Tout le monde n’a pas conscience des effets du bruit sur sa santé. Or, si nous pouvons tous être gênés par le bruit que font nos voisins, nous pouvons aussi être ceux qui gênons les autres. À titre individuel, nous avons aussi le pouvoir de changer les choses. » Somnibruit ? Une arme puissante pour faire progresser les connaissances, et passer à l’action. Pour, au final, améliorer la santé, et la qualité de vie des citoyens. Un beau programme…