Une première autorisation de mise sur le marché (AMM) pour une thérapie génique en ophtalmologie ?
Un traitement novateur pour la neuropathie héréditaire de Leber, maladie à l’origine d’une cécité aussi brutale que sévère, a reçu une autorisation temporaire d’utilisation de cohorte (ATUc).
Un traitement novateur pour la neuropathie héréditaire de Leber, maladie à l’origine d’une cécité aussi brutale que sévère, a reçu une autorisation temporaire d’utilisation de cohorte (ATUc). Cette mesure permet l’utilisation exceptionnelle de médicaments ne bénéficiant pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Une AMM pourrait être octroyée bientôt.
Début juillet, la start-up française biopharmaceutique GenSight Biologics, issue de l’Institut de la Vision, qui a mis au point et a réalisé le développement clinique de ce traitement innovant, a annoncé[1] que l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) avait octroyé une ATUc pour LUMEVOQ® dans le traitement de la neuropathie optique héréditaire de Leber (NOHL). Il s’agit d’une maladie héréditaire qui se manifeste par une baisse brutale de la vision et entraine un mauvais fonctionnement du nerf optique qui transmet les informations de l’œil au cerveau.
Un espoir pour les patients atteints de cette maladie héréditaire pour qui l’accès à cette thérapie est ainsi bien simplifié. Depuis 2019, l’administration du LUMEVOQ® dans le cadre d’une ATU nominative n’était possible que pour les patients traités à l’Hôpital des Quinze-Vingts à Paris. Grâce à l’ATU de cohorte, tous les médecins hospitaliers, qu’ils exercent aux Quinze-Vingts ou ailleurs, pourront désormais administrer le traitement aux patients éligibles.
L’octroi d’une ATU précédant le plus souvent celui d’une AMM, une AMM européenne est attendue au premier semestre 2022.
Une maladie héréditaire cécitante
Causée par un gène muté, la NOHL, qui touche une personne sur 30 000 à 50 000, est due à un dysfonctionnement du nerf optique qui transmet les informations visuelles au cerveau. Dès l’adolescence, la vue des patients décline soudainement, jusqu’à la cécité. La plupart des chercheurs de GenSight Biologics ont estimé qu’entre 1 200 à 1 500 personnes deviendraient aveugles à cause d’une NOHL chaque année aux États-Unis et en Europe.
Pour ces patients jusqu’alors dépourvus de traitements efficaces, les chercheurs de l’Inserm, de Sorbonne Université et du CNRS à l’Institut de la Vision à Paris, ont imaginé une stratégie reposant sur la thérapie génique. Plus précisément, il s’agit d’introduire du matériel génétique dans les cellules du patient pour corriger un gène défectueux.
Des essais cliniques positifs
En février 2021, l’Observatoire de la santé visuelle et auditive détaillait les résultats extrêmement prometteurs obtenus chez 37 volontaires atteints de NOHL ayant reçu une injection de LUMEVOQ® dans un œil[2]. Chez ces patients, il y a eu un effet bénéfique sur l’acuité visuelle des deux yeux suite à une injection dans un seul œil. Autrement dit, la vue de l’œil recevant un placebo était également améliorée. Cet effet bénéfique sur les deux yeux s’explique par le transfert du gène sain d’un œil à l’autre[3]. Or c’est bien la différence d’acuité entre les deux yeux qui servait de critère de jugement pour comparer l’évolution et l’amélioration de chaque œil. À la suite de ces travaux, une demande d’AMM a été déposée auprès de l’Agence règlementaire européenne (EMA). D’un autre côté, ce résultat, aussi inattendu que troublant, a constitué un frein pour les autorités réglementaires américaines.
Fin juin 2021, de nouveaux résultats[4] ont ouvert la voie à une AMM américaine : les patients ayant reçu une injection dans les deux yeux ont de meilleurs résultats que ceux n’en ayant reçu que dans un seul œil.
Au-delà des maladies de l’œil, c’est un succès prometteur de la thérapie génique pour corriger le défaut d’un gène porté par de l’ADN mitochondrial, c’est-à-dire le matériel génétique des mitochondries de la cellule qui sont des éléments intracellulaires dont la principale fonction est de fournir aux cellules l’énergie dont elles ont besoin.