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Une puce dans le cerveau, dompteuse d’acouphènes ?

Un implant cérébral pourra-t-il un jour -entre autres prouesses- venir à bout des acouphènes ? À cette question, Elon Musk a déjà répondu “oui”. Mais pour quelles raisons ? Éléments de réponse.

 

Puce Neuralink

© Neuralink

À la question qui lui a été posée sur Twitter « Any hope for curing tinnitus ? » (Y a-t-il un quelconque espoir de guérir les acouphènes ?), Elon Musk a répondu oui, précisant même que cela pourrait être le cas « dans moins de 5 ans. » Ce tweet du fantasque milliardaire a le mérite d’être clair. Il a été écrit en 2022, ce qui signifie, selon lui, que les acouphènes pourraient être soignés d’ici 2027. Et ce n’est pas tout ! Toujours selon les dires d’Elon Musk, son implant cérébral pourrait aussi refaire marcher les tétraplégiques, rendre la vue à des malvoyants, éradiquer la dépression, la maladie de Parkinson, l’épilepsie et la schizophrénie… Tous les troubles neurologiques pour lesquels il existe une déconnexion ou un dysfonctionnement entre le cerveau et le réseau de nerfs du corps humain. Cela pourrait aussi fonctionner pour les acouphènes, dans la mesure où ces sons en trop découlent souvent d’un problème de « communication » entre l’oreille et le cerveau, parce que le nerf qui relie les deux est endommagé.

Les acouphènes, ces bruits fantômes

Le bruissement du vent dans les arbres, une radio qui grésille, une cloche qui tinte, une chute d’eau, ou pire, l’impression d’avoir un avion dans l’oreille : les acouphènes, ce sont des bruits en trop. En trop, car ils ne viennent pas d’un son extérieur. Ils sont pourtant ressentis par la personne qui s’en plaint dans une oreille ou les deux, de manière épisodique, ou chronique. Ce bruit est réel et non imaginaire, mais personne autour ne peut l’entendre. Comme un membre amputé qui est à l’origine de douleurs « fantômes », le système auditif, abîmé, fabrique des impulsions électriques, même en l’absence de son extérieur. Le cerveau, trompé, croit qu’il s’agit d’un véritable son. C’est un motif extrêmement fréquent de consultation des médecins ORL. Et à en croire la dernière enquête IFOP-Journée nationale de l’audition (mars 2023), cela n’est pas près de s’arranger. Environ 1,3 million d’enfants de moins de 10 ans (soit 14 %) ont déjà consulté un ORL pour des problèmes d’acouphènes. Jusqu’à présent, aucun traitement ne permet de se débarrasser de ces bruits en trop. Quand ils deviennent chroniques, deux solutions : masquer les sons désagréables (par exemple avec des bruits blancs), ou apprendre à les ignorer (avec la méditation de pleine conscience, l’hypnose…). C’est dire l’espoir soulevé par Neuralink.

Les acouphènes dits « objectifs » (5% des cas) sont causés par des bruits réels qui se produisent à l’intérieur du corps. Par exemple, le sang qui se fraie un chemin dans une artère rétrécie. Le spécialiste consulté, grâce à ses « outils », peut lui aussi les entendre. Mais dans 95% des cas, les acouphènes sont « subjectifs », ce qui signifie que le son n’est audible que par la personne atteinte.

Les causes sont multiples. Souvent, les acouphènes viennent du vieillissement de l’oreille interne, qui entraîne une baisse de l’audition. Chez les plus jeunes, les acouphènes peuvent être causés par des traumatismes sonores (par exemple, l’écoute de musique à un volume très élevé), d’autant plus quand ils sont répétés, qui abîment les cellules ciliées de l’oreille interne. Cela peut aussi venir d’une pathologie (otite moyenne, maladie de Ménièe, hypertension artérielle…), de médicaments toxiques pour l’oreille, ou d’un simple bouchon de cérumen.

Neuralink, mode d’emploi

Si le patron de Tesla, SpaceX et Twitter n’a jamais fait mystère de son envie de coloniser Mars, dans le domaine médical aussi, ses désirs sont pour le moins ambitieux. Des désirs incarnés à travers son entreprise Neuralink, créée en 2016. De la taille d’une pièce de monnaie, l’implant créé par ses chercheurs, appelé Link, est destiné à être implanté sous l’os du crâne, par un robot chirurgical de haute précision lui aussi développé par l’entreprise. Cette puce connecterait ensuite ses milliers de minuscules électrodes -chacune d’un diamètre plus petit que celui d’un cheveu humain- à certains neurones. Elle serait connectée à un ordinateur, peut-être via le Bluetooth. Cette connexion permettrait une communication entre le cerveau et la machine, dixit Elon Musk, sans plus de précisions. En avril 2021, Neuralink diffusait la vidéo d’un macaque âgé de 9 ans, nommé Pager, auquel avait été implanté une puce dans le cerveau, en train de jouer à un jeu vidéo sur ordinateur, simplement par la force de son esprit. L’animal avait été entraîné auparavant, en recevant une gorgée de smoothie à la banane dès qu’il donnait une bonne réponse à ce jeu.

Haute sécurité ?

Musk a martelé qu’il avait tellement confiance en la sécurité de ses implants qu’il serait prêt à les implanter à ses propres enfants. Ce qui ne semble pas prêt d’arriver. La FDA (Food and Drug Administration) refusait il y a quelques mois que ces implants ne soient testés sur des humains. L’implant de Neuralink est classé dans la catégorie des dispositifs médicaux de classe III, soit la plus risquée, ceci expliquant que l’accord de la FDA ne soit pas donné facilement. Pour motiver son refus, l’organisme américain soulevait plusieurs risques potentiels pour la santé, comme la présence d’une batterie au lithium, ou le risque que les minuscules fils de l’implant migrent vers d’autres zones du cerveau, créant une dangereuse inflammation. Les experts s’interrogent aussi sur la possibilité que l’implant puisse être retiré sans abîmer le cerveau. Pour l’instant, la puce a été testée sur des cochons, des moutons et des singes. Certains ont d’ailleurs dénoncé de supposés mauvais traitements infligés à ces animaux lors des expérimentations. Neuralink devra donc franchir encore de nombreux obstacles s’il souhaite obtenir le feu vert de la FDA pour des essais sur des humains.

Les prochaines étapes

Si Neuralink obtient le feu vert de la FDA pour des essais sur les humains, l’entreprise recrutera des volontaires, acceptant de recevoir l’implant dans leur cerveau. À ce stade, resteront encore plusieurs inconnues. Quand cette puce pourra-t-elle être commercialisée ? À quel prix ? Et surtout, sera-t-elle le premier traitement à éradiquer les acouphènes ? L’expression galvaudée « Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué » retrouve ici tout son sens… mais l’espoir est permis. Après tout, cela fait bien longtemps que des dispositifs médicaux, comme les implants cochléaires, sont implantés dans la tête des hommes, ce qui n’étonne plus personne. Même si, le cerveau étant un organe hautement complexe, il faudra sans doute faire preuve de (beaucoup de) patience avant que cet implant ne soit implanté aux femmes et aux hommes souffrant d’acouphènes.

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