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Bien manger pour bien entendre ?

Même si elles sont encore peu nombreuses, les études scientifiques ont déjà permis d’identifier le rôle bénéfique de plusieurs nutriments pour prévenir les troubles de l’audition : oméga 3, vitamines A, E, C, caroténoïdes, zinc, magnésium, fer… Faisons le point.

Petite fille avec des cerises sur l'oreille

©Maica

Omégas 3 et antioxydants, bons pour le cœur comme pour l’oreille

Tout ce qui est bénéfique pour le cœur… l’est également pour l’oreille. Il est établi de longue date que certains troubles cardiovasculaires contribuent à la perte auditive. Une altération de la microcirculation sanguine au niveau de la cochlée rend cette dernière plus fragile, plus vulnérable aux agressions et accélère le vieillissement auditif. Les chercheurs se sont donc intéressés aux omégas 3, ces acides gras essentiels, dont les vertus sont nombreuses tant pour le cœur que pour le cerveau. Une étude parue en 2014 dans The American Journal of Clinical Nutrition confirme cette hypothèse[1]. Elle se base sur la fameuse cohorte « NHS » (Nurses’ Health Study), soit 65 215 femmes de 27 à 44 ans suivies pendant 18 ans. Les femmes qui consommaient du poisson deux fois par semaine avaient un risque diminué de 20 % de souffrir de perte auditive. En analysant plus finement les données, les chercheurs ont pu établir que la quantité d’oméga 3 d’origine marine ingérée était inversement proportionnelle au risque de perte auditive.

De nombreux travaux ont également mis en avant les bénéfices du resvératrol sur la fonction cardiaque. Présent dans le raisin et le vin rouges, ce polyphénol a des propriétés antioxydantes et antiplaquettaires. Une étude publiée par l’hôpital Henry Ford de Detroit, suggère que le resvératrol aurait des vertus protectrices non seulement pour le cœur mais aussi pour l’oreille, du moins sur l’animal[2].

Les vitamines et caroténoïdes, protecteurs de la vue comme de l’ouïe

On sait que des apports trop faibles en vitamine B12 entraînent une dégradation de la rétine. La carence en cette vitamine a également un impact délétère sur la cochlée. Il en est de même pour le rétinol (vitamine A) et la vitamine E : ces deux micronutriments seraient protecteurs tant pour la rétine que pour la cochlée. Une étude de l’université de Sydney a ainsi montré que leur consommation était corrélée à un moindre risque de perte auditive chez les plus de 50 ans[3]. D’autres travaux sur l’animal indiquent que l’acide rétinoïque, un produit de dégradation de la vitamine A, préserverait l’ouïe chez les sujets soumis à un traumatisme sonore[4].

Le zinc et les caroténoïdes, mis en avant comme protecteurs de la vision par l’étude AREDS (Age-Related Eye Disease Study), sont également présents dans les études sur l’audition. Parmi ces caroténoïdes, l’astaxanthine est un puissant antioxydant, doté de propriétés anti-inflammatoires, capable de passer la barrière hémato-rétinienne. Elle fait partie, avec la lutéine et la xanthine, des caroténoïdes clefs pour protéger les yeux des rayons UV et limiter l’évolution de la DMLA (Dégénérescence Maculaire Liée à l’Âge). Des études récentes suggèrent qu’elle serait également bénéfique pour l’audition par l’intermédiaire d’une autre protéine, la neurotrophine 3 (NT3). Une étude de 2014 a montré que la NT3 était capable de restaurer partiellement l’audition chez des souris rendues sourdes par exposition à des bruits forts[5]. Cette protéine joue un rôle essentiel au niveau des « synapses à ruban » dans la cochlée. Des expérimentations sur l’animal ont conclu que l’astaxanthine augmentait l’expression de la NT3 dans l’organisme, ce qui pourrait expliquer que ce caroténoïde soit efficace pour protéger les cellules ciliées de l’oreille interne.

Des minéraux contre les effets des traumatismes auditifs

Le magnésium semble protéger l’oreille contre le stress sonore. Une étude menée sur 300 militaires exposés au bruit pendant 2 mois a comparé un groupe sous placebo et un groupe recevant 167 mg de magnésium quotidiennement. Les deux groupes étaient soumis aux mêmes intensités sonores. Les dommages observés étaient significativement moindres dans le groupe supplémenté en magnésium[6].

Un autre composé naturel, l’acide alpha-lipo-lipoïque (ALL), aurait lui aussi la capacité à rendre l’oreille plus résistante aux traumatismes sonores ou aux effets des médicaments ototoxiques, selon des travaux du centre de recherche sur l’audition de la Duke University, en partenariat avec le Laboratoire d’Audiologie Expérimentale et Clinique de l’Université de Bordeaux[7]. Associé aux vitamines du groupe B (B1, B5, B12), cet acide aminé soufré améliorerait significativement les troubles vestibulaires et auditifs liés à la maladie de Ménière. L’hypothèse actuellement privilégiée : ce cocktail à base d’ALL et de vitamines renforcerait les niveaux sanguins en glutathion, une substance qui a montré sa capacité à protéger l’oreille des lésions induites par le bruit. Le sélénium, les protéines de petit lait et la cystéine augmenteraient elles aussi les niveaux en glutathion[8].

Des vitamines du groupe B pour soulager les acouphènes

Corbeille de fruits et légumes

©enviromantic

Des travaux israéliens, conduits par le Docteur Shemesh en 1993, évoquaient l’hypothèse selon laquelle la vitamine B12 aiderait à diminuer le ressenti des acouphènes[9]. Une étude indienne de 2016 va dans le même sens[10]. Plusieurs études suggèrent également que l’acide folique (vitamine B9) jouerait un rôle protecteur pour l’audition, notamment pour les patients souffrant d’acouphènes. Ces effets pourraient être liés au fait que l’acide folique permet la régulation de l’homocystéine, un composé sanguin qui, en excès, est nocif pour les vaisseaux.

Tous les excitants seraient également à bannir : café, thé, soda… et bien sûr la cigarette. Les patients souffrant d’acouphènes auraient intérêt à limiter la quantité de sel dans leur alimentation en raison de l’impact du sodium sur la tension artérielle.

Obésité et troubles auditifs

Plusieurs études menées chez l’adulte ont établi une corrélation entre le surpoids et la perte auditive. L’une des explications serait que le surpoids est souvent associé à un risque vasculaire accru. Une recherche récente portant sur des populations adolescentes met en lumière d’autres mécanismes possibles. Des chercheurs de l’université de Columbia à New-York ont ainsi testé l’audition de 1 500 jeunes de 12 à 19 ans et montré que les adolescents obèses étaient plus souvent victimes de troubles de l’audition, en particulier dans les basses fréquences (inférieures à 2 000 Hz). Ils ont également noté un risque plus élevé de surdités unilatérales chez les adolescents en surpoids. Leur conclusion : ces surdités sont d’origine neurosensorielle. Les lésions seraient directement provoquées par les substances pro-inflammatoires libérées par le tissu adipeux[11].

Par ailleurs, on sait que la pratique d’une activité sportive stimule la production d’une molécule, le BDNF (brain derived neurotrophic factor). Ce BDNF est un stimulant des fonctions cognitives, mais également un protecteur des cellules sensorielles et en particulier des cellules auditives.

Fer, vitamines C et D : un rôle à confirmer

En 2017, une étude réalisée au sein du Pennsylvania State University College of Medicine a suggéré qu’une carence en fer impacterait l’ouïe. L’analyse des dossiers médicaux de plus de 300 000 américains montre que les personnes souffrant d’anémie ferriprive auraient 2,4 fois plus de risque de perdre l’audition que les personnes ayant un taux de fer sanguin normal[12]. Le fer aidant au transport de l’oxygène dans le sang, l’une des hypothèses serait qu’en cas de déplétion de ce sel minéral, les différents organes de l’audition seraient insuffisamment oxygénés. Il est encore trop tôt pour préconiser des supplémentations en fer, selon les auteurs de l’étude. De son côté, l’étude française SUVIMAX 2, qui a évalué sur 13 ans les capacités auditives de 1 800 personnes de 45 à 60 ans, évoque une possible corrélation entre une insuffisance d’apports en viande (riche en fer), en vitamine B12 et en rétinol, et un risque de perte auditive[13]. Là encore, les résultats méritent d’être confirmés.

La vitamine C, réputée comme stimulant le système immunitaire, pourrait diminuer la fréquence des infections ORL et ainsi réduire le risque auditif. Son action antioxydante est également étudiée. Une carence en vitamine D est aussi évoquée comme pouvant interférer de manière négative avec l’audition. En effet, les osselets de l’oreille moyenne, comme les autres os du corps, ont besoin de vitamine D pour absorber le calcium, indispensable à leur solidité.

La conclusion du Dr Jean-Michel Lecerf

« On manque encore de preuves sur les liens entre audition et alimentation mais certaines données semblent suffisamment solides pour que l’on puisse donner des conseils nutritionnels » résume le Docteur Jean-Michel Lecerf, chef du service Nutrition à l’Institut Pasteur de Lille. « La consommation d’oméga 3 est indispensable au fonctionnement de l’oreille et les déficits en micronutriments (sélénium, zinc, fer, vitamines B9 et B12, vitamine D…) sont globalement nocifs pour l’audition. Par ailleurs, il existe de nombreux arguments qui laissent à penser que les facteurs de risque cardiovasculaires (obésité, hypertension, diabète…) et peut-être le tabac ont un impact négatif sur l’audition, par le biais notamment de l’athérosclérose. » En synthèse, une alimentation variée, équilibrée, et un mode de vie sain participeraient à une bonne santé auditive.

Où les trouver ?

Les oméga 3 : dans les poissons gras, les fruits oléagineux, l’huile de colza et les légumes verts à feuilles.
Le zinc : dans les huitres, le foie, les viandes, les poissons et crustacés, le cacao, le pain de seigle, certains fromages, les noix…
Le magnésium : dans les fruits de mer, le cacao, certaines eaux minérales, les amandes, noix et noisettes, les légumineuses, le son de blé…
L’astaxanthine : dans les micro-algues et les animaux marins qui les consomment et les caroténoïdes.
La vitamine A : dans les produits animaliers.
La vitamine E : dans les huiles végétales, les poissons gras, les œufs, et certains végétaux (graines oléagineuses, avocats, abricots secs, épinards…)
La vitamine B12 : dans tous les produits d’origine animale.
Les folates (vitamine B9) : dans les abats, les légumes verts à feuilles, les brocolis, les asperges et les légumineuses.

(Re)découvrez notre article sur les liens entre vision et alimentation. Des corrélations bien identifiées, au point que des compléments alimentaires peuvent désormais être prescrits par les ophtalmologistes pour ralentir l’évolution de certaines pathologies oculaires.

 

[1] Sharon G Curhan et al. Fish and fatty acid consumption and the risk of hearing loss in women. First published September 10, 2014. DOI: 10.3945/ajcn.114.091819. The American Journal of Clinical Nutrition ajcn.091819. http://ajcn.nutrition.org/content/early/2014/09/10/ajcn.114.091819.abstract
[2] Michael D. Seidman et al. Resveratrol Decreases Noise-Induced Cyclooxygenase-2 Expression in the Rat Cochlea. Otolaryngology–Head and Neck Surgery. Volume: 148 issue: 5, page(s): 827-833. Article first published online: February 4, 2013; Issue published: May 1, 2013. https://doi.org/10.1177/0194599813475777
[3] Chia EM et al. Hearing impairment and health-related quality of life: the Blue Mountains Hearing Study. Ear and earing. 2007 Apr;28(2):187-95. DOI: 10.1097/AUD.0b013e31803126b6
[4] Hyun Joon Shim et al. Retinoic acid applied after noise exposure can recover the noise-induced hearing loss in mice. Acta Oto-Laryngologica. Volume 129, 2009 – Issue 3. https://doi.org/10.1080/00016480802226155
[5] Guoqiang Wan et al. Neurotrophin-3 regulates ribbon synapse density in the cochlea and induces synapse regeneration after acoustic trauma. eLife 2014;3:e03564 DOI: 10.7554/eLife.03564
[6] Attias J et al. Oral magnesium intake reduces permanent hearing loss induced by noise exposure. American Journal of Otolaryngology. 1994 Jan-Feb;15(1):26-32. DOI: http://dx.doi.org/10.1016/0196-0709(94)90036-1
[7] Brendan J Conlona et al. Attenuation of aminoglycoside-induced cochlear damage with the metabolic antioxidant α-lipoic acid. Hearing Research. Volume 128, Issues 1–2, February 1999, Pages 40-44. https://doi.org/10.1016/S0378-5955(98)00195-6
[8] AaltBast et al. Interplay between lipoic acid and glutathione in the protection against microsomal lipid peroxidation. Biochimica et Biophysica Acta (BBA) – Lipids and Lipid Metabolism. Volume 963, Issue 3, 16 December 1988, Pages 558-561. https://doi.org/10.1016/0005-2760(88)90326-8
[9] Zecharia Shemesh et al. Vitamin B12 deficiency in patients with chronic-tinnitus and noise-induced hearing loss. American Journal of Otolaryngology. March–April, 1993 Volume 14, Issue 2, Pages 94–99. DOI: http://dx.doi.org/10.1016/0196-0709(93)90046-A
[10] Charu Singh et al. Therapeutic role of Vitamin B12 in patients of chronic tinnitus: A pilot study. Noise & Health. 2016 Mar-Apr; 18(81): 93–97. DOI: 10.4103/1463-1741.178485
[11] Lalwani AK et al. Obesity is associated with sensorineural hearing loss in adolescents. The Laryngoscope. Volume 123, Issue 12, December 2013, Pages 3178–3184. DOI: 10.1002/lary.24244
[12] Kathleen M. Schieffer et al. Association of Iron Deficiency Anemia With Hearing Loss in US Adults. JAMA Otolaryngology Head & Neck Surgery. 2017;143(4):350-354. DOI: 10.1001/jamaoto.2016.3631
[13] Sandrine Péneau et al. Intake of specific nutrients and foods and hearing level measured 13 years later. Volume 109, Issue 11 14 June 2013, pp. 2079-2088 https://doi.org/10.1017/S0007114512004291

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