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Le syndrome d’Usher, rendez-vous en maladie méconnue

Si ce syndrome a été décrit pour la première fois en 1858 par un ophtalmologiste allemand nommé Albrecht Von Graefe, 165 ans plus tard, il reste encore bien mystérieux. Deux expertes, le Dr Ghizlene Lahlou, chirurgien ORL à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris (APHP) et médecin-chercheur à l’Institut de l’Audition, et le Pr Isabelle Audo, ophtalmologue à l’Hôpital des 15-20 à Paris et médecin-chercheur à l’Institut de la Vision, lèvent une partie du voile.

Femme équipée d'un implant cochléaireQu’est-ce que le syndrome d’Usher ? « C’est une maladie génétique rare, liée à des mutations sur des gènes spécifiques exprimés dans l’oreille et l’œil », répond le Dr Ghizlene Lahlou. Ce sont les cellules ciliées situées dans l’oreille interne et les photorécepteurs de la rétine qui sont abîmés. Ce syndrome est un double handicap, invisible, mais tellement impactant au quotidien, car touchant deux de nos sens les plus précieux : l’audition et la vision. En plus d’être rare, car la prévalence est d’un cas sur 10 000 à 30 000, il est évolutif, la perte étant progressive. Le premier gène impliqué a été découvert en 1995. Les chercheurs en ont depuis repéré une dizaine d’autres. Usher n’est pas transmis par les chromosomes sexuels, et deux copies atteintes du gène malade, celle du père et celle de la mère, sont nécessaires pour que le syndrome se déclare. Autre particularité, les parents sont des porteurs sains d’une seule copie atteinte chacun, ce qui ne conduit à aucune symptomatologie particulière.

Type 1, 2 ou 3

« Il existe trois formes différentes », poursuit le Dr Lahlou.

  • Le syndrome de type 1 (environ 40% des cas) « est le plus sévère. La surdité est bilatérale (les deux oreilles), et complète dès la naissance. Elle s’accompagne de troubles de l’équilibre, retardant l’acquisition de la marche, et d’une déficience visuelle, qui se développe pendant l’enfance » Souvent, la perception visuelle commence par chuter la nuit, puis c’est la vision périphérique qui est touchée, avant que le champ visuel ne commence à se rétrécir, parfois jusqu’à la cécité.
  • « Dans le type 2, le plus fréquent, un peu moins sévère que le premier, la déficience auditive est évolutive. Le système de l’équilibre n’est pas atteint. » La rétinite pigmentaire est généralement diagnostiquée entre 10 et 40 ans, entraînant la perte progressive de la vision. Le type 2 représente 60% des cas en France.
  • « Le type 3, lui, est extrêmement rare », explique le Pr Isabelle Audo. La déficience auditive progresse à des vitesses variables. Le sens de l’équilibre est souvent perturbé, et la rétinite pigmentaire se déclare la plupart du temps à l’adolescence.

Vivre avec

Aucun traitement ne permet aujourd’hui de guérir le syndrome d’Usher. Faudrait-il, dès lors, se résigner ? Certainement pas ! De nombreux spécialistes -ORL, ophtalmologue, psychomotricien…- peuvent en effet aider les patients à mieux vivre leur maladie. « Pour avoir le meilleur accompagnement possible, ces patients doivent être suivis dans des centres de référence spécialisés », conseille le Dr Lahlou. « Chez les personnes souffrant du type 1, l’implant cochléaire est le traitement de référence pour « court-circuiter » l’oreille interne, qui ne fait plus son travail. Plus tôt les patients sont implantés -même avant l’âge de 1 an, meilleurs sont les résultats. Cela permet d’améliorer nettement l’acquisition du langage. Les patients atteints de type 2, généralement, portent des appareils auditifs. Mais quand l’audition se dégrade trop fortement, ils doivent alors passer à l’implant. » Pour apprivoiser un sens de l’équilibre défaillant, « une rééducation sera proposée, avec un psychomotricien. » Par ailleurs, ayant grandi avec ces handicaps multiples, les patients se sont aussi, souvent, adaptés inconsciemment, développant naturellement des stratégies de compensation. Par exemple, en apprenant à lire sur les lèvres.

Les yeux sous haute protection

« Quand le champ visuel est trop rétréci, le principal risque est celui de la perte d’autonomie. Le patient pourra alors apprendre des moyens de compensation. Par exemple une canne, qu’un instructeur en locomotion lui montrera comment utiliser », explique le Pr Isabelle Audo. « Il est nécessaire, en parallèle, pour ralentir l’évolution de la pathologie, d’avoir une alimentation riche en antioxydants, donc en fruits et légumes, de se protéger du soleil avec une casquette et des lunettes de soleil, et d’éviter le tabac, toxique pour la rétine. Ce sont des patients qui développent aussi souvent une cataracte bien plus tôt que les autres, parfois avant l’âge de 30 ans. » Cette opacification du cristallin a longtemps privé de la vue ceux qu’elle touchait. Aujourd’hui, c’est l’opération la plus pratiquée en France. En 15 à 30 minutes, sous anesthésie locale, le cristallin opacifié est remplacé par un autre, artificiel.

La thérapie génique pour inverser la surdité

Et demain ? La recherche progresse à grands pas. « La piste la plus prometteuse, c’est la thérapie génique », s’enthousiasme le Dr Lahlou. Car ces dernières années, plus d’une centaine de gènes impliqués dans les surdités ont été découverts. C’est une véritable révolution, « car cela va permettre de développer des thérapies pour corriger ces gènes défectueux. » Les travaux menés sur des modèles murins de surdité humaine sont très prometteurs. Quand le bon gène est injecté dans la cochlée, les seuils auditifs de l’animal peuvent être rétablis à un niveau quasi normal. Les premiers essais cliniques de thérapie génique pour une autre cause de surdité génique chez l’humain devraient commencer d’ici un an. Quant à la rétinite pigmentaire, il n’existe actuellement pas de traitement permettant d’en guérir, mais les chercheurs sont nombreux à travailler sur le sujet. Parmi les pistes à l’étude, la thérapie génique, des greffes de cellules rétiniennes, ou une rétine artificielle, pouvant se substituer aux photorécepteurs.

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