Les larmes, leur rôle protecteur et émotionnel
Lors d’un mariage ou d’une rupture, en tournant les pages d’un roman ou devant un film émouvant, nourrissons, enfants, adolescents et adultes, nous partageons tous le fait de pleurer (plus ou moins) souvent. D’où viennent ces larmes ? Pourquoi coulent-elles ? Rendez-vous en territoire aqueux.
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C’est un mélange d’eau, de sel, de substances antibactériennes… produit par une usine à larmes, les glandes lacrymales. Les larmes ont plusieurs rôles, mais le tout premier est de protéger la cornée, ce « hublot » parfaitement transparent qui sert d’interface entre le monde extérieur et l’intérieur. « Un corps gras entre dans leur composition, c’est ce qui permet d’éviter qu’elles ne s’évaporent trop vite », précise le Dr Romain Jaillant, ophtalmologiste, fondateur de QualiDoc, site d’information sur la chirurgie des yeux. « C’est ce qui permettra à ce film protecteur de rester bien en place entre deux clignements de paupières. » D’ailleurs, si nous clignons des yeux environ 20 fois par minute, ce n’est pas un hasard. Cela permet de répartir les larmes sur toute la surface de l’œil, « pour éviter qu’il ne s’assèche et devienne douloureux. » Et cette fine couche a aussi des propriétés optiques. Autrement dit, « si vous n’avez pas de larmes, vous ne voyez pas pareil. » L’absence de larmes peut baisser l’acuité visuelle, ou provoquer une vision floue.
Garde du corps de la cornée
« Les larmes font office de barrière face aux agressions extérieures. » L’oxyde de propanethial, ce gaz dégagé lors de l’épluchage d’un oignon ? Il entraîne la formation de larmes, qui vont ainsi protéger l’œil, en chassant ce toxique de la paroi oculaire. Les larmes, fabriquées en permanence, en toute petite quantité, même lorsque nous ne pleurons pas, vont aussi protéger l’œil d’autres agresseurs, identifiés comme dangers potentiels. Les poussières, les pollens ou un moucheron, vont ainsi être évacués hors de l’œil, tout simplement. Les larmes empêchent l’œil d’être abîmé. Bénéfice collatéral, elles contiennent des anticorps qui protègent des bactéries.
Larmes défectueuses
Parfois, les glandes lacrymales, qui se situent sur la paupière supérieure, en-dessous du coin externe des sourcils, produisent trop de larmes. Ce larmoiement peut être dû à de nombreuses causes, comme une allergie, ou une sécheresse oculaire, les glandes lacrymales sécrétant plus de larmes en réaction. Si vous en avez trop un excès de larmes, ou une gêne, doivent pousser à prendre rendez-vous avec un ophtalmologue pour trouver l’origine du problème. A l’inverse, la sécheresse oculaire , quand elle n’est pas compensée par une surproduction de larmes, peut être très désagréable, avec des sensations de picotements, ou de sable dans les yeux. En plus, en fragilisant la cornée, elle crée un terrain plus propice aux infections. Cette maladie chronique peut être causée par l’âge, la production de larmes diminuant au fil du temps. « La pollution, la climatisation, la fumée de cigarette, la prise de médicaments, ou certaines maladies peuvent aussi assécher l’œil. La solution : des larmes artificielles. Elles viennent remplacer les larmes que vous n’avez plus. » Mais se débarrasser d’une sécheresse oculaire ne se fait généralement pas d’un coup de baguette magique. En plus d’utiliser des larmes artificielles, il faut identifier les facteurs favorisants, pour mieux les évincer.
Pleurer fait du bien
Il serait réducteur de penser que les larmes ont seulement une fonction protectrice. Nous pleurons aussi de douleur, ou quand une contrariété nous submerge. Les larmes peuvent aussi couler pour susciter l’empathie de nos proches. Quant aux larmes émotionnelles, comme leur nom l’indique, elles servent à évacuer un trop plein d’émotions. Quant aux pleurs des nourrissons, pas toujours simples à décoder, ils n’ont qu’un but : maintenir les parents en état d’alerte. Les tout petits expriment ainsi leurs besoins, et s’assurent qu’ils seront comblés.
Les larmes émotionnelles font du bien. Assurément. « Elles dénouent les tensions, apaisent, évitent que l’angoisse, la peur ou la tristesse ne nous submergent », explique François Métivier, professeur de philosophie, auteur de La joie des larmes, éd. Pygmalion. Malgré cette évidence, les chercheurs ne savent toujours pas expliquer précisément pourquoi nous pleurons face à une émotion. Parmi les hypothèses, les larmes couleraient pour attirer l’attention, l’empathie, ou évacuer des émotions difficiles à verbaliser. « C’est tellement mystérieux, le pays des larmes », ces mots du Petit Prince d’Antoine de Saint Exupéry restent plus vrais que jamais. Ce que l’on sait ? La composition des larmes émotionnelles se distingue des larmes basales (qui humidifient la cornée) et des larmes réflexes (qui permettent de se protéger des poussières etc.), car elles sont chargées en protéines et en hormones. Et si beaucoup d’animaux versent des larmes -dont les crocodiles, en grande quantité- nous, humains, avons une particularité : nous serions les seuls à pleurer sous le coup de l’émotion.