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On ne voit bien qu’avec le cerveau : les apports de la neuro-ophtalmologie

Le cerveau visuel, qui interprète les signaux venus de l’œil, joue un rôle essentiel dans la perception de notre environnement. Qu’elles surviennent chez l’enfant ou chez l’adulte, les altérations de la perception visuelle sont des signes d’appel à ne pas négliger et rappellent que l’œil ne peut voir correctement que si le cerveau lui-même fonctionne correctement. Le dernier congrès de la société française d’ophtalmologie (SFO) a dédié son rapport annuel à la neuro-ophtalmologie, cette spécialité à la frontière entre la neurologie et l’ophtalmologie.

Œil et cerveau indissociables

Une vision double, une amputation du champ visuel, la perte soudaine de la vision d’un œil… Ces symptômes peuvent résulter d’un accident vasculaire cérébral ischémique. Mal irriguées, les zones du cerveau dédiées à la vision ou au mouvement des yeux dysfonctionnent. Plus l’AVC sera pris en charge précocement dans une unité neuro-vasculaire dédiée, mieux le patient récupèrera de son accident. Ces symptômes peuvent également être associés à une rupture d’anévrysme. L’anévrysme est une dilatation anormale de la paroi d’une artère. Lorsque celle-ci se rompt, elle provoque une hémorragie cérébrale. Dans un quart des cas, le signe d’appel est une vision double.

Autre affection neuro-vasculaire pouvant se manifester par des troubles visuels : la maladie de Horton. Cette inflammation des artères de gros et moyen calibre qui peut en particulier toucher les artères cérébrales fait courir un risque de cécité. « 20 % des patients démarrent par des symptômes et signes visuels qui peuvent être transitoires – baisse visuelle ou vision double – ou permanents par atteinte du nerf optique, de la rétine ou des nerfs oculomoteurs » rappelle le rapport de la SFO.

Par ailleurs, un quart des scléroses en plaques commence par une baisse visuelle ou une vision double et 10 à 15 % des migraines sont accompagnées de phénomènes nommés des « auras » ; qui sont dans l’immense majorité des cas, des auras visuelles (tâches scintillantes, perte de vision partielle…). « Le bilan ophtalmologique est très important dans la prise en charge d’une céphalée (mal de tête). L’examen du fond d’œil permet en particulier de vérifier l’absence d’œdème papillaire, cette pression au cerveau faisant gonfler le nerf optique, qui orienterait vers une hypertension intracrânienne » ajoute le Dr Catherine Vignal-Clermont, de la fondation Rothschild à Paris, coordonnatrice du rapport 2021 de la SFO.

Toutes ces situations montrent les liens essentiels entre l’œil et le cerveau – l’œil ne peut voir correctement que si le cerveau lui-même fonctionne correctement – et les liens intrinsèques entre l’ophtalmologie et la neurologie : ces deux disciplines sont complémentaires pour bien prendre en charge ces affections.

 

De nouveaux champs de recherche

La rééducation des désordres visuels sensoriels en neuro-ophtalmologie a tout d’abord concerné les altérations de la vision chez l’adulte, pour aider les patients à recouvrer leurs facultés visuelles ou à les stabiliser après un accident ou dans le cadre d’une maladie neurologique; on peut ainsi rééduquer et aider à compenser un trouble du champ visuel, par exemple dans les cas d’hémianopsie (perte d’un demi-champ visuel), ou une agnosie visuelle (perte de la capacité à reconnaître certains objets…). Il s’agit de stimuler des réflexes inconscients pour remobiliser les capacités cérébrales et augmenter la taille des mouvements oculaires afin de compenser au mieux le déficit visuel. Un nouveau pan de recherche se développe autour de la neurovision de l’enfant : pour voir il faut savoir regarder, explorer, avoir de l’attention, mémoriser, reconnaître des images, les relier à d’autres connaissances…. Dès lors que l’un de ces mécanismes est affecté au niveau cérébral, la vision est impactée et les apprentissages sont perturbés.

 

Dyslexique, et s’il voyait mal ?

Ce sont les orthophonistes, spécialistes de la rééducation des enfants dyslexiques, qui ont initialement repéré qu’il y avait sans doute une problématique visuelle chez certains de ces enfants. Hypothèse confirmée par l’équipe de Sylviane Valdois, directrice de recherche au CNRS à Grenoble. Celle-ci a constaté que ces troubles s’associaient à une diminution de l’empan visuo-attentionnel, c’est-à-dire du nombre de lettres que l’enfant parvient à déchiffrer simultanément. Grâce aux travaux du Dr Michèle Mazeau, pionnière de la rééducation neurovisuelle chez l’enfant, la prise en charge des enfants “dys” s’est enrichie. Au suivi apporté par les orthophonistes s’ajoute désormais un travail sur l’oculomotricité et sur la posture.

Les orthoptistes ont ainsi commencé à s’intéresser à la neurovision. « La neurovision est entrée dans ma pratique par l’intermédiaire de la prise en charge des malvoyants » explique Nicolas Marchais, orthoptiste à Rodez. « Je travaillais dans un centre pour enfants déficients visuels. Certains de mes petits patients présentaient plusieurs troubles visuels associés à des troubles moteurs cérébraux. Il a fallu que je comprenne ce qui se passait dans leur cerveau pour trouver des solutions ».

Pendant des séances d’une quarantaine de minutes, l’orthoptiste travaille sur la qualité de la prise d’informations visuelles, sur la maitrise des saccades, sur la mémoire visuelle à court terme, afin de permettre à l’enfant de déchiffrer et mémoriser plus de lettres et donc d’avoir une lecture plus rapide ». La rééducation neurovisuelle et posturale est intégrée depuis peu dans la formation initiale des orthoptistes.

 

Le TDAH et l’autisme peuvent bénéficier de ces rééducations

Plus récemment, d’autres troubles comme le TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) ou l’autisme ont également rejoint le champ de la rééducation neurovisuelle. D’abord parce que les découvertes les plus récentes ont montré des anomalies dans la motricité oculaire des enfants autistes (fixations, poursuites, saccades…). Mais également parce que la vision reste un canal essentiel dans l’autisme. « Ces enfants sont dans l’analyse permanente de leur environnement. Ils se focalisent sur le moindre détail » explique Samantha Picq, responsable pédagogique à l’école d’orthoptie de la faculté de médecine de Montpellier. La rééducation vise à les aider à mieux utiliser leur regard, à mieux capter l’information visuelle et à associer les différents détails dans une image globale. Chaque rééducation est adaptée au profil de l’enfant. Chez les autistes de haut niveau (sans retard intellectuel), une rééducation de 3 à 6 mois peut être suffisante. « Ils ont souvent du mal à se repérer dans l’espace, ils vont trop vite, sautent des lignes, perdent leurs repères… » ajoute Samantha Picq.

A l’avenir l’orthoptie sera amenée à investir de plus en plus le champ des troubles du neuro-développement de l’enfant. : “Nous sommes encore trop peu nombreux à pratiquer cette rééducation”, regrette Samantha Picq.

 

En chiffres

·       1/3 de notre cerveau est impliqué peu ou prou dans la perception visuelle. Toute atteinte cérébrale peut donc entraîner des déficits au niveau du champ visuel perçu, de l’organisation de l’espace, de la reconnaissance et de la mémoire visuelle…

·       5 % des enfants ont un trouble des apprentissages. La moitié de ceux-ci pourrait être affectée par un trouble neurovisuel. Mise en place par l’unité Vision et Cognition du Dr Sylvie Chokron (FOR), la batterie EVA permet d’évaluer les capacités visuo-attentionnelles, et la mémoire visuelle chez l’enfant de 4 à 6 ans.

·       60 % des enfants ou adultes atteints d’une lésion cérébrale (quelle qu’en soit la cause) souffrent d’un trouble de l’analyse visuelle (trouble neuro-visuel)

 

En savoir plus : www.vision-et-cognition.com

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